Au pied de la chaîne volcanique du Puy de Dôme, Clermont-Ferrand (ville d’origine de Delano Orchestra) est la capitale de l’Auvergne. Depuis 2010, elle est également le nouveau lauréat de la ville la plus rock de France. Trois ans plus tôt dans ce paysage froid et bouillant, apparaissaient simultanément The Delano Orchestra et le label Kütu Folk. Derrière ces deux noms, un même créateur: Alexandre Rochon. Courroie de transmission entre le public averti et les artistes pas assez reconnus, le Kütu Folk distribue en France, notamment, les Canadiens Evening Hymnes et Soso, sans oublier sa dernière belle prise anglaise A Grave With No Name. Avec des pochettes cousues main, le Kütu Folk (sponsorisé par les machines à coudre Singer lors de conventions de couture, sans rire) est l’emblème même du DIY; de la création à la distribution, tout est fait à la main et par les artistes eux-mêmes.

The Delano Orchestra est un groupe à connaître. Sombre et épurée, la musique d’Alexandre Rochon grandit doucement à l’ombre des montagnes auvergnates, puis à maturité, lentement, s’exprime dans des concerts qui souvent font dates. Au paroxysme de son talent, Rochon nous a offert A Little Girl, A Little Boy And All The Snails They Have Drawn en 2008. Album de folk d’inspiration nordique (atmosphérique, subtilement électrique) et Américaine (mélodieux et écrit) à qui il est difficile de trouver un héritier en France. Rochon nous murmurait ses plus beaux poèmes comme Frozen Lake, A Little Girl avec des sujets comme l’expectative, l’espérance, le désir irréalisable… Depuis, Rochon sera gentiment qualifié d’«homme le moins joyeux au monde».

Cinq ans plus tard, voilà Eitsoyam, quatrième opus qui s’inscrit dans l’évolution logique du groupe. Après deux albums de niveau nettement inférieur, Will Anyone Leave Me en 2009 et surtout Ntyafmbl en 2010, Eitsoyam continue sur le chemin plus rock et égocentrique de son prédécesseur direct.

Légèrement inspiré de Sparklehorse, Leonard Cohen et d’Elliot Smith, les plus belles pièces de cette création s’appellent Girl, Light Game et surtout Dreams. Ce dernier morceau regroupe d’ailleurs tout ce que Delano Orchestra a fait de mieux ces trois dernières années. Avec ces guitares électriques en arpèges joliment exposés, Rochon chante désormais totalement et délaisse le murmure qui faisait le charme de ses deux premiers albums. Le très électrique morceau Wake Up montre d’ailleurs un certain talent pour le puissant rock poétique

Mais ce qui est nouveau chez Delano, c’est l’apparition de morceaux quelconques. Avant, certains titres pouvaient être sympathiques sans plus; ennuyeux comme un bon Coldplay… Mais là, des chansons ne sont pas au niveau auquel on pouvait s’attendre, notamment Ark ou le duo de courte durée Wollaws et Xxx. Aseptisées, et même pauvres, les orchestrations de ces titres sont d’une incroyable légèreté surtout lorsque Rochon nous donne l’impression de ne plus y croire; de faire du folk pour faire du folk. Eitsoyam est malheureusement lisse. La magie (ici quasi absente) de A Little Girl allait de pair avec les hauts murs noirs de Clermont-Ferrand. C’était un disque d’image, cinématographique… Le Puy de Dôme en était le décor. Le folk artisanal ou «folk par nécessité» et ses doux chemins ombrageux d’inspiration que sont l’introspection légère et romantique ont disparu. Deux guitares sèches et une fille inaccessible sont peut être les seuls instruments dont a besoin Alexandre Rochon pour sublimer son art. Serait-ce tout simplement son côté sitedemo.caucteur qui se situerait en deçà de son talent ?

Eitsoyam est une chouette offrande pour ceux qui veulent découvrir l’oeuvre d’Alexandre Rochon; mais, il est surtout une belle excuse pour replonger à corps perdu dans le spleen nostalgique des Auvergnats avec A Little Girl et Will Anyone Leave Me.

Ma note : 5,5/10

The Delano Orchestra
Eitsoyam
Kütu Folk
46 minutes

kutufolk.com/artists/

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=yJdXuDqDvDY[/youtube]