Critiques

Shellac

Dude Incredible

  • Touch & Go
  • 2014
  • 33 minutes
7

cover14Shellac n’a pas besoin de votre approbation. Shellac ne fait pas de promotion, n’a pas de compte officiel Twitter ou Facebook, ne place pas ses chansons sur Soundcloud et n’envisage pas de tournée mondiale dans un avenir rapproché ou lointain. Shellac, c’est Steve Albini, Bob Weston et Todd Trainer, trois musiciens post-punk dans un studio, captant le son de trois musiciens post-punk dans un studio, sans effets ni overdubs. L’album précédent de Shellac, Excellent Italian Greyhound, remonte à 2007, et à peu près rien dans l’air du temps depuis n’a correspondu au math-punk austère de Shellac, mais Shellac n’a que faire du zeitgeist ou d’une quelconque scène. Shellac est Shellac, et le reste, Shellac s’en câlice raide.

Bien qu’une partie de moi admire cette indépendance désinvolte, c’est devenu la chose qui risque le plus de faire perdre au groupe un peu de son intérêt. Sur ses albums les plus forts, Shellac était animé par une impulsion indéniable. Il y avait l’excitation d’avoir mis le doigt sur une forme bien à eux pour At Action Park, un vif désir de détruire toutes les attentes pour Terraform, la douleur d’une rupture amoureuse difficile pour 1000 Hurts. Mais le trio ne place plus Shellac au sommet de ses priorités. Albini et Weston enregistrent et masterisent les albums des autres, et leur propre groupe est devenu un hobby. Pour Dude Incredible, comme pour Excellent Italian Greyhound auparavant, l’impulsion est maintenant de faire de la musique entre amis et de l’enregistrer convenablement, quand on a le temps. C’est suffisant pour justifier un album, mais ça ne le rendra pas forcément pertinent.

Je ne veux pas sembler trop sévère, car Dude Incredible sera accueilli chaleureusement par tous les fans du groupe. La première moitié est même du Shellac de haut niveau. Ça commence en grand avec la pièce-titre, qu’on ne peut que qualifier d’épique. Le changement de cadence à mi-chemin dans la chanson rappelle les rythmes galopants du NWOBHM, chose que Shellac n’avait jamais encore invoquée. C’est suivi des chansons Compliant et You Came In Me, deux courtes décharges de math-rock qui feraient bonne figure sur n’importe quel album précédent du groupe. Vient ensuite la fantastique Riding Bikes, une pièce lente et poisseuse qui passe sa deuxième moitié à nous faire croire que la fin est imminente, une façon de se moquer de l’auditeur typique à Albini et sa bande. L’humour grinçant du trio est encore bien présent, et All The Surveyors le montre bien avec une intro a cappella irrévérencieuse et des cris de corneille judicieusement placés.

C’est le reste de l’album qui donne l’impression d’un manque d’impulsion. On s’enlise un peu dans des riffs qui ne se bonifient pas avec les écoutes, et qui donnent même l’impression par moments que tout le groupe n’est pas uniformément investi, impression qui s’était pointé le nez dans l’album précédent. Difficile de s’emporter pour un album quand les musiciens eux-mêmes donnent l’impression de l’avoir fait à temps perdu, mais le talent et les instincts de Shellac restent indéniables.

Ma note: 7/10

Shellac
Dude Incredible
Touch & Go
33 minutes

www.touchandgorecords.com/bands

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