Chroniques

Raconte-moi ton disque: Antoine Corriveau

photo-02-bigAprès une trop longue pause, la chronique Raconte-moi ton disque est de retour! Cette fois-ci, nous avons rencontré l’auteur-compositeur-interprète Antoine Corriveau, qui a fait paraître au printemps dernier le sublime Les Ombres Longues; disque magnifiquement réalisé par Nicolas Grou. Voilà une conception sonore qui se hissera aisément parmi les meilleures créations de 2014, toutes langues confondues.

Comme d’habitude, nous nous sommes donné rendez-vous au Lab Mastering afin de réentendre avec l’artiste, l’une des parutions prisées de l’année en cours… et dans un excellent système de son, gracieuseté du Lab Mastering, croyez-moi, cette sitedemo.cauction explose littéralement! Voilà un disque qui constitue le parfait polaroïd d’un récent printemps social fort agité avec en toile de fond quelques ruptures amoureuses douloureuses vécues dans l’entourage du créateur. Un album folk rock que plusieurs jovialistes pourraient estimer trop sombre, mais qui renferme de nombreux moments musicaux lumineux. Donc, je vous propose l’exploration piste par piste de cette totale réussite.

Un par un

Antoine nous confiait qu’après avoir finalisé l’écriture de cette grande chanson, il savait pertinemment qu’il tenait bien en main la pièce d’ouverture de son disque. De plus, Nicolas Grou est un adepte du travail de Daniel Lanois et sur ce morceau, les arrangements (particulièrement les couches guitaristiques) font penser à l’univers musical du musicien/réalisateur canadien.

Le temps des coupes à blanc

Voilà un morceau qui porte l’ascendant de Jean Leloup et cette influence musicale est parfaitement assumée par Antoine qui considère le créateur comme l’un des grands songwriters québécois. On est parfaitement d’accord avec lui!

Noyer le poisson

Lors d’un processus d’enregistrement d’un album, toutes les étapes sont d’une importance cruciale et sur cette chanson, Antoine soulignait l’excellent travail de mixage de Ghyslain-Luc Lavigne qui réussit parfaitement à propulser le refrain au premier plan. En effet, si vous écoutez attentivement, vous remarquerez l’explosion sonore frappante lors du refrain. Du bon travail!

La ville d’où on vient

Durant l’écoute de ce titre, on s’est mis à jaser lutherie. Antoine mentionnait qu’à ses débuts, il jouait sur une guitare Epiphone B.B. King Lucille branchée dans un amplificateur Fender Princeton Reverb. Aujourd’hui, il s’est entiché d’une Fender Thinline qui lui procure une entière satisfaction.

Je sors dehors

On converse maintenant de processus créatif. Pour Antoine, l’écriture d’une chanson découle d’un procédé assez aléatoire qui peut prendre racine simplement autour d’un motif de guitare ou d’idées littéraires colligées dans un cahier. Rien n’est figé et définitif. Pour le musicien, un disque ne doit pas être conçu à la légère et notre homme retient un commentaire du collaborateur Ghyslain-Luc Lavigne qui considère qu’un bon projet d’enregistrement doit se terminer «les deux genoux dans la boue».

Le nouveau vocabulaire

Ici, on vous met au défi de rester de marbre à l’écoute de cette chanson émouvante/désarmante; pièce qui constitue le croisement parfait entre les deux thèmes évoqués sur Les Ombres Longues: les lendemains qui déchantent suite à une rupture amoureuse et qui s’écrasent doublement quand ces mêmes jours sont combinés avec l’espoir d’un renouveau social… relégué une nouvelle fois aux oubliettes. Un texte d’une justesse quasi parfaite!

Printemps, printemps

Une simple ritournelle de deux accords d’une simplicité déconcertante, mais qu’à cela ne tienne, le crescendo de ce morceau est absolument parfait et que dire de ce solo bluesy en fin de parcours. Antoine avouait qu’après avoir demandé au guitariste de retravailler ledit solo, l’équipe, en réécoutant les bandes, a pris la décision de conserver la piste salopée et plus approximative consignée auparavant. Excellente décision, il va sans dire!

La tête en marche

Durant cette chanson, Antoine soulignait que l’enregistrement de ce disque fut échelonné sur plusieurs mois à raison d’un jour et d’un soir par semaine, ce qui laissait beaucoup de temps à la cellule créative pour réfléchir aux bonnes décisions à prendre. Antoine insiste sur l’importance de bien prendre son temps lors de la mise en place d’une mécanique créative et en aucun temps les aspects marchands liés à la diffusion de la musique n’ont été pris en compte.

Tu es comme la nuit

Ritournelle pianistique et brumeuse qui représente un merveilleux exemple du travail méticuleux/orfévré effectué lors de l’enregistrement de ce disque. Antoine insistait particulièrement, et ce tout au long de l’entretien, sur l’importance colossale du travail de tous ceux qui ont collaboré de près ou de loin à l’échafaudage de ce superbe disque. Et ça s’entend clairement!

Et tu penses que je veux

Conclusion émouvante d’un remarquable album. Chanson qui évoque une certaine rédemption et ce petit bout de phrase en dit long: «Je ne tiens pas à détruire ce qu’il te reste, je sais que ce n’est plus grand-chose». Ce titre est le plus dépouillé de l’album.

On a également abordé de front ce qui a été évoqué un peu partout dans les médias québécois: cette ressemblance vocale avec Daniel Lavoie. Antoine Corriveau a le plus grand des respects pour l’artiste franco-manitobain, mais la similitude est tout simplement le fruit du hasard. De tout manière, après quelques écoutes, cette impression disparaît assez rapidement et on se laisse immerger sans effort dans cet espace sonore folk rock foisonnant un tantinet psychédélique.

Les textes de Corriveau sont étonnamment précis poétiquement parlant, mais c’est avec une grande surprise que le songwriter nous dévoilait qu’il est plutôt un consommateur/créateur de BD. Par ailleurs, le sympathique maître d’œuvre chansonnier est un aficionado de Bob Dylan, Nick Cave, PJ Harvey, Mark Lanegan, Bonnie Prince Billy et il affectionne le dernier Lana Del Rey (qui est excellent soit dit en passant). On a déjà vu pire comme ascendant!

Bref, ce designer graphique mériterait sans aucun doute de gagner sa croûte exemplairement avec sa musique… mais ça ne saurait tarder, car cette conception sonore tient lieu de coup d’envoi officiel à une carrière musicale qui sera sans aucun doute marquée par plusieurs bons coups. On vous conseille de poser vos oreilles sur Les Ombres Longues. Tout simplement brillant!

La critique de Sébastien Moffet:
lecanalauditif.ca/antoine-corriveau-les-ombres-longues/

www.lelabmastering.com/fr/

www.antoinecorriveau.com