Critiques

Papa M

Papa M – Highway Songs

  • Drag City
  • 2016
  • 27 minutes
7,5

Papa MLe musicien David Pajo a toujours eu l’air mal à l’aise avec l’attention qu’il reçoit. Il se fait donc discret autant qu’il peut, mais il ne peut pas nier la place qu’il occupe dans la musique indépendante américaine depuis la fin des années 1980. Pajo est issu de la scène hardcore de Louisville au Kentucky, une scène maintenant reconnue comme l’épicentre de ce qui a été rebaptisé “post-rock” depuis. Pajo était notamment un des guitaristes des très importants Slint, et a brièvement été membre des non moins importants Tortoise.

Il a contribué en tant que mercenaire à des groupes de premier plan (Zwan, Interpol, Yeah Yeah Yeahs), mais c’est surtout par son projet Papa M (alias Aerial M, ou M tout court) que Pajo s’est exprimé depuis la dissolution de Slint. Et ce projet a pris des formes très variées, du rock expérimental lo-fi très libre au freak folk cru inspiré de Will Oldham, en passant par des réappropriations de clichés du métal et du thrash.

La dernière chose cependant qui a placé Pajo dans les manchettes de la presse musicale, c’est sa tentative de suicide en février 2015. Je sais, soulever le sujet est une pente glissante vers le remuage de détails sordides, mais cet épisode de détresse dans la vie de Pajo me semble très pertinent à ce nouvel album. David Pajo avait sitedemo.cauit très peu de musique depuis le milieu des années 2000, époque où le groupe Slint s’était réuni pour une tournée. Si on pouvait avoir des craintes pour son silence presque total pendant presque dix ans, l’appel à l’aide de 2015 venait confirmer le pire. Heureusement, Pajo y a survécu.

C’est donc un délice d’entendre ce qu’il a à offrir maintenant que l’inspiration et la motivation lui sont revenues. Pajo a parlé avec candeur des changements dans sa vie depuis l’incident, notamment le grand influx d’amour qu’il dit avoir ressenti, tant de ses proches que du public en général. Cette ouverture et cet amour résonnent dans tous les recoins de ce court nouvel album. Pajo y revisite avec enthousiasme tous les sous-genres qu’il a explorés jusqu’à présent. C’est principalement instrumental, et ça passe du rock agressif asymétrique digne des Fucking Champs aux constructions délicates qui rappellent un peu son plus impressionnant album solo, Live From A Shark Cage (1999).

Il y a deux ombres au tableau, tout de même. Tout d’abord, l’album est très bref et les chansons sont courtes. On aurait aimé que Pajo se concentre sur quelques gros morceaux pour donner un peu de poids à l’ensemble. Ensuite, il y a la pièce finale, Little Girl. C’est une des compositions les plus conventionnelles de Pajo à ce jour. Je devine qu’il voulait se prêter au jeu des grands solos bluesy dans le genre d’Eddie Hazel ou de J. Mascis, mais ça tombe un peu trop proche du jeu de C.C. DeVille à mon goût. Ce n’est pas une région que j’aime particulièrement visiter.

N’empêche, c’est bon de retrouver un David Pajo en santé et relativement heureux pendant une petite demi-heure. J’espère que la suite ne tardera pas trop.

Ma note: 7,5/10

Papa M
Highway Songs
Drag City
27 minutes

http://davidpajo.simpl.com/