Chroniques

Kraftwerk

Radio-Activity

KraftwerkJ’ai découvert le groupe de musique électronique Kraftwerk pas longtemps après que The Mix (1991) soit sorti en magasin. Mon frère avait une cassette copiée dans ses trucs qui faisait partie de ma liste d’écoute électro (lire pile de cassettes) avec The Art of Noise, Depeche Mode et Skinny Puppy. La vague grunge a évidemment eu raison de cette liste, tout comme le rock industriel et le «futurepop» par la suite. Malgré cela, je me rappelle d’avoir entendu The Model (The Man-Machine, 1978) dans une soirée new wave, disons en 1996, dans un bar sur Saint-Denis. Je n’ai pas réalisé sur le coup que c’était Kraftwerk, puisque ça ressemblait plus à une pièce d’un groupe romantique 80s qu’à la sonorité retrouvée sur The Mix. Il faudra un peu de temps et de curiosité à faire la tournée des magasins de vinyles pour me retrouver avec quatre albums, dont Radio-Activity. Le cinquième album studio de Kraftwerk a fêté ses quarante ans en octobre, et pour souligner l’événement, je vous ai préparé une petite visite guidée de l’oeuvre.

Ma première écoute de Radio-Activity a eu à peu près le même effet que mon premier visionnement de 2001 : A Space Odyssey, une sensation d’apesanteur. Mes oreilles étaient accoutumées à des trucs comme Nine Inch Nails, Marilyn Manson, et cette propension à tout crier, au chant comme aux instruments. Le contraste entre cette agressivité et le minimalisme de Kraftwerk était tel qu’il nécessitait un autre niveau d’écoute, disons d’ordre électroacoustique. Je ne comprenais pas tout à fait comment il était possible d’en faire autant avec si peu, une fascination que j’entretiens toujours aujourd’hui.

Geiger Counter ouvre l’album avec des impulsions radioactives et mène à la pièce titre, la voix monotone de Ralf Hütter et des sons synthétiques presque pures. Le son de «vocal choir» du Vako Orchestron est tout simplement sublime, et ajoute une touche dramatique à l’atmosphère. Radioland est lente, et laisse place au vocodeur et à la modulation de fréquence. Airwaves est joyeuse, comme un simple des années 50 repris en pastiche électro. Intermission, News et The Voice Of Energy sont des interludes ambiants formés d’impulsions, oscillations, interférences, voix d’animateurs radio et vocodeur.

Antenna reprend la rythmique d’Autobahn mais ne passe pas par la résolution mélodique, ça donne une version linéaire un peu simpliste à côté de son modèle. Le vocodeur retourne en force dans Radio Stars, accompagné d’échantillons de voix en délai à la Steve Reich. Uranium nous offre le son de «vocal choir» à nouveau, ainsi que quelques échantillons de vocodeur. Transistor donne suite à Airwaves d’un point de vue harmonique, sans rythme et sans voix cette fois. Ohm Sweet Ohm termine l’œuvre de façon un peu comique au Farfisa, et se rapproche étrangement de la musique d’ascenseur.

Ce que je constate de mes retrouvailles avec Radio-Activity est qu’il est bien meilleur avec un certain recul, et une connaissance de la discographie du groupe. Je peux comprendre qu’il ait été mal reçu par ceux qui préféraient la sonorité rock expérimentale des premiers albums, et qui considéraient le virage électronique comme une régression. Il est maintenant également adoré par ceux qui préfèrent l’approche électronique et le voit comme étant le modèle qui a mené au «son» de Kraftwerk. Après tout, c’est ce son qui a marqué la musique populaire et qui a permis au groupe de s’élever au rang de pionnier de la techno. Radio-Activity est un passage obligé vers celui-ci, une transition qui a mené à la maturité, et Trans-Europe Express.

http://www.kraftwerk.com

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