Critiques

Klô Pelgag

L’étoile thoracique

  • Coyote Records
  • 2016
  • 55 minutes
9
Le meilleur de lca

Klô est de retour, mesdames et messieurs. La jeune femme originaire du Bas-du-Fleuve avait connu un succès autant critique que populaire avec l’excellent Alchimie des monstres paru en 2013. L’album lui a notamment ouvert les portes (et les oreilles) de la France. Il y a un peu moins d’un an, la jeune femme, qui sait créer des événements autour de ses spectacles, s’était fait raser les cheveux en soutien à Leucan pour son dernier spectacle de la tournée. Il faut le dire, la leucémie était présente dans les paroles du précédent album.

Voici que près d’un an plus tard, Pelgag revient sur scène avec un nouveau concept et un peu plus de cheveux sur le coco. À l’instar de ses cheveux qui ont poussé, L’étoile thoracique porte les stigmates du temps. Klô est toujours aussi fo-folle et éclatée, mais musicalement ses élans sont maintenant mieux contenus. Cela leur donne un pouvoir immense. Ses textes sont encore empreints de cette poésie imaginée et imagée qui rappelle les débuts de Pierre Lapointe. Si l’Alchimie des monstres a conquis les cœurs, ce nouvel album saura consolider la place de choix que la jeune artiste y occupe.

Derrière la folie, l’amusement et les couleurs que tapisse Pelgag sur son œuvre, il y a une grande tristesse. Ses thèmes sont rarement jojo et L’étoile thoracique ne fait pas exception à la règle. L’un des deux premiers extraits, Samedi soir à la violence, malgré un refrain entraînant, une mélodie intoxicante et même un petit rythme qui donne envie de se dandiner, cache des paroles sombres. Peut-être l’a-t-elle écrite avec un amour malheureux en tête, mais les paroles feront échos à quiconque a déjà connu un proche atteint de démence ou de la maladie d’Alzheimer: «S’il te plaît, ne m’oublie pas/Souviens-toi au moins de moi/Si ta mémoire se noie/Sauve-moi, sauve-moi/S’il te plaît, ne m’oublie pas/Souviens-toi au moins de moi/Si la lumière te voit/Sauve-toi, sauve-toi». Le moment où une personne que l’on aime ne nous reconnaît plus est un supplice pour le cœur et Pelgag a su le traduire habilement.

La jeune femme ose autant aller dans de nouvelles avenues sonores ou en poussant celles déjà abordées. Les cordes sont présentes, les cuivres viennent aussi faire leur tour alors que le thérémine et d’autres instruments non conventionnels continuent de sévir. C’est au niveau de son travail mélodique que Klô a fait le plus de chemin. Tout en gardant sa folie et ses retournements qui échappent aux pièges du convenu, elle pond plusieurs refrains complètement intoxicants. Les instants d’équilibre, Les mains d’Édelweiss et Le Sexe des étoiles rivalisent d’airs qui restent pris entre les deux oreilles. Elle réussit même à nous faire aimer le son d’un charango, avec la magnifique et délicieuse Les ferrofluides-fleurs.

Étant donné les chansons généralement assez grandioses qui peuplent L’étoile thoracique, celles où Klô nous prend à part pour nous chanter seule au piano deviennent des moments de précieuse intimité. Au Bonheur d’Édelweiss (et son bonheur ambivalent) et la sublime Les animaux qui, avec sa guitare acoustique et son violon chinois (erhu), aurait pu être la patente la plus kitsch de l’année, transpire une authenticité et une fragilité incroyable. C’est beau. Un point c’est tout.

Est-ce que je vous ai dit que c’était réussi pour Klô Pelgag? La jeune femme offre l’un, sinon le meilleur album de pop québécoise de 2016. Elle le fait avec intelligence, profondeur, créativité et assurance. L’Alchimie des monstres était excellent et L’étoile thoracique réussit à repousser de nouvelles limites. Il n’y a vraiment aucune raison à part la surdité pour bouder ton plaisir.