Critiques

Inter Arma

Paradise Gallows

  • Relapse Records
  • 2016
  • 45 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Inter Arma est un des groupes parmi les plus créatifs du métal contemporain. Ils nous l’ont prouvé avec Sky Burial (2013) et The Cavern (2014) en manifestant clairement leur désir de ne pas prendre l’auditeur pour acquis en livrant des disques denses et exigeants. Arrive maintenant Paradise Gallows qui poursuit l’évolution et renouvelle la pertinence du quintette de Richmond.

Car oui, ce nouvel effort est sa plus ambitieuse réalisation à ce jour.

La raison principale de l’inventivité d’Inter Arma tient dans son habile mélange des genres métal pour créer un tout puissant, écrasant, mais surtout, cohérent. D’ordinaire rigides, les frontières entre black, death, post, prog, doom et sludge sont abattues ici par un vigoureux «libre échange». Le groupe navigant d’un style, ou d’une technique, à l’autre avec aisance et fluidité. Dans le fond ces sons deviennent autant d’interfaces pour qu’Inter Arma y module ses décors, ses atmosphères et son propos. Brillant.

Donc Paradise Gallows ça sonne comment? Tsé le monolithe dans 2001: A Space Odyssey, la stèle? Ça sonne comme ça: lourd, immuable, inquiétant, mais intrigant et noir comme les abysses de l’univers. Et comme c’est le cas avec les autres albums du groupe, on voyage d’un tableau à l’autre sans jamais être radicalement surpris, mais en ne baissant jamais notre garde pour autant.

Cette grande qualité d’Inter Arma se manifeste ici pour deux raisons principales: a) le grand talent des cinq membres pour travailler les structures et les transitions. Il faut dire que The Cavern – une seule pièce-fleuve de 45 minutes – a permis au groupe, déjà capable, de prendre du galon à ce niveau, et b) le colossal travail de sitedemo.cauction, juste assez brumeux, qui permet aux différents éléments stylistiques de se fondre les uns dans les autres.

Après une douce introduction qui n’aurait pas été surprenant d’entendre sur un album de Pallbearer, on entre directement dans l’antre de la bête avec les tonitruantes An Archer In The Emptiness et Transfiguration. Les assauts de batterie, la voix gutturale, les guitares tranchantes assomment pendant plus de 16 minutes, passant d’éléments black à goth et death. Les deux pièces conservent toutefois l’éthique «neurosisienne» d’Inter Arma.

Puis, on entre dans le coeur conceptuel de Paradise Gallows avec Primordial Wound et The Summer Drones sur lesquelles le groupe dérive vers un son plus post, non loin de ce que fait les compatriotes de Minsk, YOB et même OM (la basse et les percussions de The Summer Drones, particulièrement, évoquent le son d’Al Cisneros).

Puis, sur Potomac, on est plongé dans une épopée pink floydesque avec les guitares qui convergent vers le ciel céleste avant de reprendre des chemins caverneux sur la pièce titre et Violent Constellations. Sur ces deux morceaux, Inter Arma accélère la cadence, mais complexifie aussi les attaques et les mélodies. Par moment, on en vient à souhaiter une tournée avec les druides d’Intronaut tant leurs assauts, précis, sont percutants.

Et cette noire exploration se conclut de sublime manière avec la dépouillée, mais tout de même cathartique When The Earth Meets The Sky, qui scelle un album trouble et absorbant sur une note de paix.

Et on termine l’album et on se dit que le quintette, malgré la ridicule superposition de couches d’atmosphère, ne dilue en aucun cas son intensité et son identité, et ce, peu importe le répertoire dans lequel il pige.

Ces gars-là sont brillants. Géniaux. Et ils ne nous prennent pas pour acquis que je disais einh?

Ma note: 8,5/10

Inter Arma
Paradise Gallows
Relapse Records
71 minutes

https://interarma.bandcamp.com/album/paradise-gallows-2