Chroniques

Entrevue avec Natalie Murray Beale, directrice musicale d’Il Ritorno

Du 25 au 29 avril prochain, la TOHU présente le spectacle Il Ritorno de la compagnie australienne Circa. L’approche est particulièrement intéressante, c’est une adaptation de l’opéra Il Ritorno de Monteverdi. Celui-ci raconte le déchirement entre Pénélope et Ulysse qui sont toujours séparés après la guerre de Troie. Mais est-ce que l’opéra et le cirque font bon ménage? Nous nous sommes entretenus avec Natalie Murray Beale, directrice musicale de la création.

Sur scène, 3 musiciens : Pal Branda (violoncelle), Cecilia Sultana de Maria (harpe) et Joe Bronstein (alto et violon) accompagnent deux chanteurs : Kate Howden (mezzo-soprano) et Benedict Nelson (baryton). Dès les débuts, la démarche de la compagnie Circa se différenciait d’une démarche opératique. Les opéras sont des organismes assez conservateurs qui défendent la sacro-sainteté des pièces alors qu’ici on a gardé un peu de matériel originel, mais on a aussi commissionné trois compositeurs pour écrire des pièces inspirées des originales. « Nous avons cherché l’essence de la pièce et ce que nous voulions travailler est ce sentiment d’être séparé de sa terre, séparé de l’être aimé, séparé de sa famille. Un peu comme si on se réveillait sur une plage sans savoir où nous étions. De regarder le temps qui passe et se demander si un jour nous allons pouvoir de nouveau interagir avec l’être cher. Nous avons donc pris cette musique de Monteverdi et nous avons mis de côté les pièces orchestrales qui font des commentaires sur l’action, mais qui n’expriment pas l’expérience des personnages. Puis, nous avons donné ces moments à trois compositeurs pour qu’ils écrivent une version contemporaine de cette musique plus centrée sur l’expérience des personnages. Ça donne une vingtaine de minutes de musique entièrement de Monteverdi alors que l’heure qui reste est de la musique inspirée par son opéra. »

Malgré les années qui séparent les différentes compositions, les pièces sont parfois simplement marquées par des instruments plus récents comme l’alto. « Certaines pièces s’éloignent radicalement de l’original. Je pense à une pièce où le son devient chaotique. Mais c’est inspiré par un chaos de tempête présent chez Monteverdi. Mais voilà, notre chaos sonore est plus intense. Par contre, le langage profond de la pièce est le même. » La partie musicale du spectacle doit rejoindre la partie physique. Murray Beale explique bien les similitudes entre le cirque et l’opéra. L’un et l’autre sont des arts extrêmes physiquement. Les chanteurs d’opéra doivent atteindre des notes difficiles alors que les artistes de cirques font des acrobaties qui commandent tout autant de respect. « Ma perspective de la musique est que c’est un acte physique. C’est magnifique quand nous lançons la musique dans une direction qui trouve une résonance chez les artistes de cirque. Et vice versa. »

Murray Beale nous a même confié leur rituel d’avant-spectacle. « Nous faisons une improvisation tous ensemble avant le spectacle. Pour des musiciens classiques, c’est un peu… effrayant, mais c’est devenu, avec le temps, un moment vraiment très beau. Tout d’abord parce que nous avons beaucoup de plaisir avant la performance puis parce que c’est cathartique. Comme ce que nous jouons est intense, ça fait du bien. C’est inhabituel et je n’avais jamais expérimenté quelque chose de la sorte avant. Ça nous permet de nous regrouper avant le spectacle. »

Natalie Murray Beale aborde l’opéra avec une grande ouverture d’esprit sur Il Ritorno et sa démarche est riche et intéressante. L’approche de Circa qui vise la symbiose semble aussi amener une fraîcheur autant pour l’opéra que pour le cirque.

http://tohu.ca/fr/programmation/spectacle/2016-2017/il-ritorno/