Critiques

Douglas Dare

Aforger

  • Erased Tapes
  • 2016
  • 46 minutes
8
Le meilleur de lca

Douglas DareDouglas Dare me fait penser à une sorte d’Elton John des années 2015, un brin excentrique, ouvertement gai, talentueux, une voix marquante. Évidemment, Douglas Dare n’a pas la réputation d’Elton John ni peut-être la partie joyeuse et romantique du grand maître. Mais les deux partagent le don du piano et la beauté d’une voix claire et forte.

Aforger, deuxième album de Douglas Dare, a paru à la mi-octobre sans causer de grands remous, et pourtant. Si on croit que Father John Misty est un bon parolier, c’est qu’on n’a pas lu/écouté encore Douglas Dare. Il aborde avec économie de mots et d’images les difficultés de la vie amoureuse et de l’acceptation de soi, dans un contexte où la société se targue d’être ouverte d’esprit, mais ne l’est pas si tant, au final. En dix pièces, trois quarts d’heure, Dare nous amène dans un univers sombre, triste et sublime à la fois. Quelque chose dans la voix, les intonations, la narration, rappelle John Vanderslice, surtout dans Thinking Of Him. Dans la musique, des relents de James Blake. Quelque chose de très british et adorable, en même temps qu’inquiétant.

Sur Doublethink, la guitare me fait penser au jeu de Joseph Marchand (Forêt, Safia Nolin). Greenhouse, autrement plus électro, joue avec la question du consentement: «I don’t feel the need to kiss you/on the mouth like this/can’t you see I’m embarrassed?/for this is not my choice». La serre serait le safespace, l’endroit où se cacher.

Sans contredit, la pièce phare de l’album est Oh Father, un cri du cœur à un père qui renie son fils homosexuel. Les paroles, toutes plus justes les unes que les autres, mériteraient d’être transcrites intégralement, mais je sélectionne ces quelques lignes, qui finissent en chants grégoriens version 2016: « Oh father/you always said that/you’d always love me/no matter which way I head/colour your hair blue/cut your nose through/get a strange tattoo/because I will always love you/Oh father /it’s not too late».

Aforger se démarque des précédentes offrandes de Douglas Dare avec une orchestration plus importante, sans toutefois faire perdre de vu les deux éléments les plus importants : la voix (et les paroles) et le piano. D’ailleurs, le piano, instrument premier du musicien basé à Londres, est hérité de la famille. Sa mère, une professeure de piano, l’a toujours encouragé vers le classique, et cela s’entend dans la construction des pièces.

New York raconte la déception bien commune de moult artistes et musiciens devant l’expérience de cette ville supposée promettre la réussite : «Was New York a lie?/did the buildings shine», avant de se transformer en peine d’amour : «Will I ever trust another/will I ever love another/or is this for good?». Suit alors The Edge, qui inquiète par son chœur clair, la voix de Dare trafiquée, le piano lent et tragique.

Stranger, avec les cuivres magnifiques, le solo de trompette, l’amertume (le citron qui brûle l’intérieur, comme il le chante si bien), la violence : «Your face has changed/your body used to belong to me/now I’d look away/if you took your clothes off», poigne par sa justesse.

Aforger a été mixé dans le très célèbre Abbey Road Studios et sitedemo.cauit par le batteur de Dare, Fabian Prynn. L’œuvre résonne sans flafla, habite l’auditeur sans le hanter. Un disque juste et pertinent.

Ma note : 8/10

Douglas Dare
Aforger
Erased Tapes
46 minutes

http://aforger.com/