Dälek a frappé l’imagination de ceux qui ont entendu son premier album en 1998, Negro Necro Nekros. C’était un des tout premiers exemples vraiment réussis de hip-hop noise, l’extrapolation des idées les plus bruyantes du Bomb Squad, le mariage du rap aux ambiances assourdissantes du shoegaze et de la musique industrielle. À quel point était-ce frappant? Disons simplement que Greg Werckman et Mike Patton ont déjà affirmé avoir fondé les disques Ipecac avec deux groupes en tête: Fantômas et Dälek.

Dälek, c’est un groupe, mais c’est surtout le leader et rappeur Will Brooks, lui-même surnommé MC dälek. Longtemps accompagné du beatmaker Oktopus et d’autres acolytes variés et temporaires, Brooks revient sans Oktopus, mais avec sa bénédiction. Un collaborateur des premières années, DJ rEk, est de retour, mais c’est avant tout l’apport du réalisateur Mike Manteca qui redonne vie à la formation. Il a suggéré à Brooks de faire revivre la bête en hibernation depuis 2011, et Brooks n’a pas pu refuser.

Même si la musique noise est devenue plus courante qu’il y a 15 ans, et malgré l’avènement de groupes hip-hop agressants et bruyants comme Death Grips, cLIPPING, Moodie Black et Ho99o9, Dälek demeure une proposition difficile, en grande partie à cause de la façon de rapper de Brooks. Ce n’est pas seulement qu’il n’aborde que des sujets lourds et angoissants; ça, c’est tout à fait dans le ton de son groupe. C’est surtout qu’il y a très peu de variations dans son flot, et son sens du «hook» est inégal, encore plus maintenant qu’à l’époque des deux premiers albums. Les faiblesses sont particulièrement évidentes dans Shattered, la pièce qui ouvre Asphalt For Eden. Le refrain ne lève pas, et occupe beaucoup trop de place dans la chanson de surcroît.

Ça donne une mauvaise impression en début d’album, mais la situation est corrigée dès la pièce suivante, l’excellente Guaranteed Struggle. On constate alors que quand Brooks est à l’aise et en possession de ses moyens, Dälek peut rester musicalement pertinent, quelles que soient les tendances hip-hop du moment. Cette bonne impression est maintenue pendant le reste de l’album. Manteca fait un excellent travail, bâtissant des ambiances métalliques et caverneuses semblant émaner d’immenses réservoirs souterrains. C’est fidèle à l’esprit de leurs albums Absence, Abandoned Language et Gutter Tactics, sans donner l’impression d’être une simple copie sans âme.

C’est donc un retour bienvenu pour la formation du New Jersey, et on lui pardonne aisément de sembler un peu moins subversive qu’avant. Ce n’est pas Dälek qui s’est adouci, c’est le reste du monde qui l’a rattrapé.

Ma note: 7,5/10

Dälek
Asphalt For Eden
Profound Lore
38 minutes

http://www.deadverse.com/

[youtube]https://youtu.be/f3gYK2NBTFs[/youtube]