Depuis plus de 30 ans, le groupe indie-rock originaire du New Jersey, Yo La Tengo, fait toujours paraître des productions de qualité. Tous les deux ans environ, Ira Kaplan, Georgia Hubley et James McNew repoussent subtilement les limites du folk rock « à la Velvet Underground / The Feelies », et ce, sans tomber dans une ostentation sonore futile. En 2015, le trio lançait Stuff Like That There; un album de reprises célébrant le 30^e anniversaire de la formation. Le dernier album contenant de nouvelles chansons, en bonnes et dues formes, remonte à 2013 avec la parution de Fade; disque épuré et contemplatif réalisé par John McEntire (Tortoise).

Les vétérans sont donc de retour avec une 15^e création studio en carrière intitulée There’s a Riot Going On; titre délibérément inspiré d’un classique de Sly & The Family Stone paru en 1971. Là s’arrête la comparaison. Si le funk psychédélique des Sanfranciscains était résolument rentre-dedans et revendicateur, la musique de Yo La Tengo loge du côté contemplatif. Tout en gardant intact l’ADN de son folk rock, le groupe accentue la démarche « shoegazienne » amorcée sur l’album Fade, comme si Lou Reed folâtrait avec Brian Eno et My Bloody Valentine.

Le trio guitare-basse-percussions est noyé dans une panoplie d’effets et de pistes vaporeuses, mettant en relief le raffinement mélodique habituel de la formation. Ce choix créatif bonifie pleinement le son d’ensemble et c’est grâce à toutes ces influences issues de la musique ambiante, dispersées intelligemment. L’intermède Shortwave, située à la mi-parcours du disque, est un exemple éloquent de ce mélange aussi enchanteur que paisible. De plus, le groupe tente quelques incursions dans des univers musicaux tels que la bossa-nova, le doo-wop et la musique polynésienne (Esportes Casual, Forever et Polynesia #1).

There’s a Riot Going On est un refuge pour le mélomane anxieux – et un brin paranoïaque – qui voudrait prendre une pause du monde effervescent, un peu « poule pas de tête », dans lequel nous vivons. Les textes sont bien sûr en parfaites concordances avec l’ambiance introspective de ce disque. Quelques petites perles littéraires frappent l’imaginaire. Dans Luv N’ Haight, on y entend ceci : « Feel so good inside myself, don’t want to move ». Dans Above the Sound, on y entend une référence sans équivoque à l’agitation mentale perpétuelle qui afflige actuellement un bon nombre d’individus, du moins sur le territoire nord-américain : « For all our heads may spin / See if we can look within ».

Alors, le verdict ? Voilà une autre bonne parution au compteur de Yo La Tengo. There’s a Riot Going On est une création inclassable qui réconforte. Un disque intemporel qui transforme la révolte en rêverie.