Critiques

The Dwarves

Take Back the Night

  • Burger Records
  • 2018
  • 23 minutes
4

J’en ai déjà parlé brièvement dans ma critique de The Dwarves invented Rock N’ Roll, mais ça vaut la peine de le rappeler. En 1993, les Dwarves ont publié un communiqué de presse affirmant que leur guitariste HeWhoCannotBeNamed avait été poignardé à mort à Philadelphie. Quand l’album Sugarfix est sorti sur Sub Pop, en 1993, le groupe a publié dans le livret du disque un hommage senti au guitariste disparu. Puis POUF! HeWhoCannotBeNamed est réapparu sans crier gare dans le « line-up » du groupe. C’était juste une joke, guys! Je me rappelle avoir trouvé ça hilarant quand j’ai appris cette histoire-là. Les boss de Sub Pop, eux, ne l’ont pas trouvée vraiment drôle et ont foutu les punks à la porte peu après le « hoax ». C’était l’époque où GG Allin était le « poster boy » du punk. La violence, l’irrévérence et l’humour le plus noir possible étaient le pain quotidien des groupes les plus nihilistes du mouvement. Malheureusement, le sexisme, l’homophobie et le racisme étaient souvent également de la partie.

Blag Dahlia mène sa barque depuis le milieu des années 1980 et un impressionnant éventail de musiciens délinquants gravite autour de lui depuis ses débuts. Les shows des Dwarves, qui duraient souvent seulement 15 minutes, ont longtemps eu la réputation d’être les plus intensément agressifs de leur époque. De la consommation de drogue à l’automutilation, en passant par le sexe sur scène et les blessures causées aux membres de l’audience ou la police. Pendant une bonne dizaine d’années, ils étaient réellement méchants et dangereux, tout ça au nom de l’art. Écouter les Dwarves à cette époque-là était pas mal le plus gros « finger » que tu pouvais faire à tes parents.

Comme le dit si bien l’une des chansons les plus connues de Bob Dylan, le monde et les temps changent. En 2018, les Dwarves sont un peu comme un vieux pitbull à qui ont aurait arraché toutes les dents. Ainsi, ce Take Back the Night est un ajout peu essentiel à leur discographie. Ils jappent fort leurs textes rétrogrades et souvent désolants, mais leur impact est définitivement plus malaisant que choquant. À titre d’exemple, quelle excellente idée de faire chanter « I Fuck Anything That Moves » au collaborateur récurrent Nick Oliveri, le même ex-membre de Queens of The Stone Age accusé de violence conjugale à plusieurs reprises. Slow clap, guys.

Je ne peux pas cacher que j’ai déjà adoré Blag Dahlia et ses complices. J’ai même accepté leur virage plus pop-punk de la fin du siècle dernier et je trouve encore que des albums comme Blood, Guts & Pussy ou Thank Heaven For Little Girls sont des pièces d’anthologie essentielles du punk des nineties. Cependant, dans le contexte actuel, leurs discours redondants qui les font sonner comme des mononcles ainsi que leurs mélodies peu inspirées et leur hardcore générique réussiront difficilement à convaincre les nouveaux venus. C’est regrettable, mais le chialage contre le politiquement correct qui se retrouve entre autres dans les textes de City By The Bay ou Safe Space fait vraiment juste paraître Blag comme un anachronisme qui se débat pour rester pertinent, alors qu’il était jadis un véritable héros de l’irrévérence. Je pense qu’il faut désormais réinventer la façon même de faire grincer des dents ses parents. Ça va bien au-delà que de se battre pour son droit de rester un attardé mental. Les photos de consommation de cocaïne ou de femmes toutes nues pour illustrer les pochettes, c’est fini. Même chose pour les textes insinuant la pédophilie ou traitant les filles de putes. C’était choquant et irrévérencieux jadis, maintenant, c’est juste vraiment colon. Assez pour bâiller après 3 tounes.

Les dinosaures ne sont probablement pas tous disparus d’un seul coup. Certains ont assurément passé beaucoup de temps à agoniser avant l’ultime délivrance. C’est ce qui est en tout cas en train de se produire avec les Dwarves, véritables vestiges ambulants d’une époque bientôt révolue, fort heureusement.

Cela dit, leur logo de crâne avec les pénis est intemporel.

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