Critiques

Preoccupations

Preoccupations

  • Jagjaguwar Records
  • 2016
  • 39 minutes
7,5

Preoccupations« Preoccupations. » Ce sera dorénavant le nom de cette formation canadienne controversée. Le nom ne sera plus le surnom du Front national de libération du Sud Viêt Nam. Apparemment, porter un nom qu’on associe à la violence barbare signifie de nos jours qu’on approuve forcément cette violence. Je crois qu’un nouveau groupe ne pourrait même plus s’appeler Fear ou Suicide, parce que choisir un tel nom signifie forcément qu’on banalise et qu’on s’approprie la douleur des autres pour faire de l’effet, n’est-ce pas?

J’exagère pour me moquer un peu de l’ère du temps, et j’ai l’impression que c’est ce que fait subtilement le quatuor originaire de l’Alberta en choisissant un nom comme Preoccupations. Je soupçonne aussi ce nom de s’être d’abord imposé comme titre d’album avant d’être choisi comme nouveau patronyme. Pratiquement toutes les pièces ont un titre qui suggère quelque chose qui chicote, qui reste à l’esprit et qui tourmente (anxiété, monotonie, interdit, mémoire, etc.).

Le thème n’est pas que dans les titres, il est dans la structure de plusieurs chansons, particulièrement au centre de l’album. Preoccupations jouait déjà un peu avec la forme rock conventionnelle dans son incarnation précédente en brisant les mesures en multiples de quatre et en y insérant des temps supplémentaires et des mesures irrégulières. Au centre du présent album, on trouve une longue pièce en trois mouvements disparates, une chanson très courte, et un motif peu dynamique qui devient soudainement rythmé pour s’évanouir presque immédiatement. Si l’idée est d’illustrer les égarements d’un esprit confus, ça fonctionne. Mais ça donne aussi l’impression que des idées inachevées nous sont balancées dans les oreilles avant qu’elles aient été prêtes.

Dommage que ces drôles de pièces fassent distraction, car le reste de l’album aurait été un digne successeur à l’excellent album Viet Cong. La réalisation rappelle encore beaucoup le pop-rock des années 80, celui fortement inspiré par le new wave. Comme auparavant, la section rythmique, souple et vigoureuse, ne flanche jamais pendant que les deux guitaristes/claviéristes s’échangent des mélodies complémentaires, et la voix de baryton de Matt Flegel drape l’ensemble pour donner une ambiance lugubre et agitée. Il y a quelque chose de légèrement plus modeste dans les compositions, rien ne tente de bulldozer l’auditeur comme le faisait la chanson Death par exemple, mais on reconnaît le doigté et l’instinct de la formation, du moins dans les pièces les plus réussies.

Ce n’est pas le coup de tonnerre de Viet Cong. Normal. Les intentions ne sont plus les mêmes. Preoccupations est un brin moins enivrant, mais ça n’en fait pas un album décevant.

Ma note: 7,5/10

Preoccupations
Preoccupations
Jagjaguwar
39 minutes

http://preoccupationsband.com/