Critiques

Mumford And Sons

Delta

  • Glassnote Records
  • 2018
  • 62 minutes
2

Vendredi dernier, 16 novembre, sortait Delta, le dernier opus du groupe britannique Mumford and SonsDelta qui peut signifier la lettre d  de l’alphabet grec, soit la quatrième… comme cet album qui est la quatrième production du groupe. Et déjà rien qu’à partir du titre et de cette pseudo-référence intello, on ne peut qu’être méfiant. Un delta, c’est aussi la zone que forme un cours d’eau lorsqu’il se jette dans une mer ou un océan. Faut-il y voir là une allusion comme quoi Mumford and Sons se jette dans le grand bain du mainstream ? Une chose est sûre, c’est qu’à l’écoute de ce disque, la rivière de l’inspiration est définitivement tarie.

En 2009, le quatuor anglais avait surpris et conquis le monde avec son premier jet Sigh No More. Un album folk moderne et inspiré qui ouvrira la voie pour d’autres groupes de ce genre comme The Lumineers, Of Monsters and Men, etc. Un succès concrétisé par Babel en 2012. Moins bon que le premier, mais toujours de qualité cependant. Puis en 2015, vint le virage rock du groupe. Un choix audacieux et courageux de la part des Britanniques qui, au vu de leur popularité immense, pouvait choisir la facilité en produisant un troisième opus calqué sur les deux précédents. Malheureusement, ceux-ci accouchèrent du très plat et dispensable Wilder Mind, qui cependant leur ouvrira les portes des stades et aux autres grands festivals.

Donc nous voici, trois ans plus tard avec Delta et ses 14 chansons entre les mains. L’album débute avec le titre 42, qui n’est malheureusement pas  « la réponse à la Grande Question sur la vie, l’univers et le reste » comme dans le guide du voyageur galactique de Douglas Adams et le film du même nom. Bref, une intro gospel appréciable qui se transforme en pièce pop-électro romantique informe. Pas bon signe pour la suite.

C’est Guiding Light qui prend la suite, un titre correct que le groupe avait dévoilé avant la sortie de Delta. Ah, mais qu’entends-je, ne serait-ce pas le retour du banjo, bien écrasé au fond de la piste ? Comme pour signifier : « on s’est forcé à le mettre pour faire plaisir aux fans de la première heure ». Passons sur le titre Woman qui ressemble clairement à du Blink-182 (sourire enjoué)… période Neighborhoods (mine déçue) et sous tranquillisant. Bref, on ne va pas énumérer tous les titres, mais globalement la formule est pareille. La voix de Marcus Mumford, un riff pas inspiré, quatre accords plaqués au piano, le tout posé sur un rythme électro-pop faiblard. Rien qu’à voir la chanson The Wild qui n’a de wild  que son titre ou encore Slip Away qui fait penser à une musique de pub pour une marque de boisson du genre  « vivez l’instant, un truc dans le genre » où on voit de jeunes gens épanouis courir sur une plage, écarter les bras et ce genre d’images quétaines à souhait.

La palme du manque d’inspiration revient à la pièce If I Say, tant musicalement qu’au niveau des paroles et son refrain : « If I say i love you, then I love you ». Certes, la rime est riche, à ce niveau là elle a même gagné à la loterie, mais bon sang, on a l’impression d’entendre un mari infidèle à court d’arguments pour essayer de rassurer sa compagne qui doute de lui : « Chérie si je te dis que je te trompe pas, c’est que je te trompe pas. » … bref, la défense est faible.

Faible comme cet album au final. Une grosse déception, renforcée par le fait que le groupe n’a pas tiré les leçons de l’échec de Wilder Mind. On est si loin de Sigh No More. Même si loin de moi l’idée de vouloir que ce groupe se cantonne à un seul style, mais au moins le groupe avait réussi l’exploit de ramener le folk en ville. Les instruments traditionnels étaient redécouverts et utilisés à nouveau. Un peu comme ces jeunes cuisiniers qui remettent une vieille recette au goût du jour. Mais là, c’est de la soupe froide et indigeste que nous propose Mumford and Sons. Rien que le nom du groupe me faisait penser (et c’est voulu) à une petite échoppe de quartier, une quincaillerie, un truc dans le genre, où les clients se connaissent, le patron vous arrange, etc. En écoutant Delta, j’ai l’impression de rentrer dans un magasin d’une grande chaîne, froid et vide où les employés vous regarde d’un œil désabusé.

Bref, de la part d’un ultra-fan de la première heure : au revoir, Mumford and Sons, je t’aimais bien.