Critiques

MONEY

Suicide Songs

  • Bella Union
  • 2016
  • 44 minutes
8,5
Le meilleur de lca

MONEYIl y a de ces groupes dont vous ignoriez l’existence, mais qui vous happent de plein fouet après avoir écouté l’une de leurs créations et c’est le cas de la formation britannique MONEY, formée en 2011 à Manchester, ville mythique de la scène musicale anglaise. Mené par un chanteur hors norme du nom de Jamie Lee, MONEY propose un amalgame de rock, de folk, d’orchestrations somptueuses et de guitares méticuleusement shoegaziennes conférant ainsi au groupe une identité sonore propre, comme un Neutral Milk Hotel un peu dans les vapes… ne vous en faites pas trop avec cette comparaison boiteuse, je n’arrive pas à décrire convenablement la musique de MONEY.

En 2013, The Shadow Of Heaven avait conquis la critique et paraissait, il y a de cela deux semaines, la version nord-américaine de Suicide Songs, titre qui en dit long sur le hamster spleenétique qui tourne frénétiquement dans le cerveau de Jamie Lee. Mention spéciale à la superbe pochette où l’on voit Lee avec un couteau de cuisine en équilibre son front.

Et ce disque? Probablement l’un des meilleurs disques aussi mélancoliques que lumineux qu’il m’ait été donné d’entendre depuis la naissance de LCA. MONEY propose des chansons habitées d’un accablement assumé et qui ne tombent jamais dans le pathos, et ce, grâce au penchant rayonnant de sa musique.

Épique, poignante, prenante, véridique, évitant la surenchère émotive, l’interprétation de Lee frise la perfection, rien de moins. En plus d’être un chanteur imparfait techniquement, mais tellement «habité», Lee est un parolier/poète de haut niveau. Juste avec les titres You Look Like A Sad Painting Of Both Side Of The Sky et Cocaine Christmas And An Alcholic’s New Year, vous pouvez vous imaginer aisément le talent littéraire qui habite le bonhomme. Un écorché vif, un vrai.

Et lorsque Jamie Lee, l’auteur, le chanteur et l’interprète, est en parfaite symbiose avec son groupe, ça donne un magnifique album comme Suicide Songs. Il est préférable de profiter immédiatement de la foudre créative qui a frappé MONEY, car rien nous dit que l’inspiration ne viendra pas qu’à s’essouffler. Même si les thèmes du suicide, du désespoir et du mal de vivre sont abordés avec une franchise déstabilisante (et livrés de manière brutale) les cordes, les cuivres, les harmonies vocales célestes, les guitares folk/rock/shoegaziennes viennent offrir un réconfort aux propos de Lee qui pourraient être perçus comme étant un peu indigestes par le mélomane réfractaire à autant de sincérité.

On est tôt en cette saison musicale qui s’amorce, mais vous pouvez parier que ce disque sera présent dans plusieurs listes de fin d’année. Sans être un pur chef-d’œuvre qui marquera à jamais l’histoire du rock, Suicide Songs est mémorable de par son intensité et dans un univers marketisé comme le nôtre, rares sont les groupes dits «indie rock» à offrir autant. Vous ne pourrez rester insensible devant I Am The Lord (qui remémore un The Verve en version améliorée), le cathartique All My Life, la ballade pianistique, un peu Tom Waits (sans la voix granuleuse du vétéran), Cocaine Christmas And Alcholic’s New Year, la très Spiritualized titrée Night Came ainsi que le folk frémissant Suicide Songs.

S’il y a deux disques dans lesquels vous devez plonger impérativement en ce début 2016, c’est bien le Third Law de Roly Porter et ce petit bijou que représente ce Suicide Songs de MONEY. Les fanatiques de rock britannique à la The Verve/Spiritualized vont être aux oiseaux. Que dire de l’adepte esseulé de Neutral Milk Hotel qui retrouvera un songwriter de la même trempe que Jeff Mangum?

Gros disque.

Ma note: 8,5/10

MONEY
Suicide Songs
Bella Union
44 minutes

http://www.moneybandofficial.com/

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=OecJg2lav34[/youtube]