Critiques

Jungle

For Ever

  • XL Recordings
  • 2018
  • 46 minutes
7,5

« Une station de radio post-apocalyptique qui joue des chansons de ruptures. » Voilà comment Jungle présente ce For Ever, deuxième album de leur discographie. Avec ce deuxième effort, Jungle prouve qu’ils ne sont pas un feu de paille et qu’il reste encore beaucoup de territoires inexplorés dans le soul dansant contemporain.

Jungle lance For Ever quatre ans après le succès de leur album homonyme. Depuis, le groupe s’est métamorphosé. On peut compter maintenant 7 membres permanents plutôt que les deux fondateurs : Josh Lloyd-Watson et Tom McFarland. For Ever semble être la route de Jungle qui chasse le rêve américain et les mirages de la Californie avec ses palmiers, ses vagues incessantes et son soleil éternel. Un baume sur les âmes en peine. Parce que la mélancolie n’a pas quitté l’œuvre du groupe. Bien au contraire.

I’m a troubled man, changed by the things I do
True, but it’s funny how they all remember you
It all could be different, time to do something new
And given everything, I want to be a happy man too

— Happy Man

Sur une mélodie entraînante et contagieuse à souhait, Jungle nous chante cette envie d’être heureux. Un nirvana inaccessible que ce soit par le gain matériel ou encore par les choix qu’il fait. Le problème du bonheur n’en est pas un léger et pourtant, le groupe nous livre ça sur une trame qui donne envie de danser. Comme si se faire aller les pieds et s’abandonner dans la danse était un bon moyen d’oublier les soucis pendant quelques minutes. Après tout, peut-être est-ce là la clé du bonheur?

C’est le même discours qui est répété sur Heavy California, où l’état ensoleillé est à la fois un rêve inatteignable et la représentation de l’amour qui est si loin. C’est plutôt riche comme texte pour un genre qui est aussi tourné vers le groove. Jungle finalement est très proche de Stromae qui fait danser, mais qui nous transperce aussi le cœur lorsqu’on s’attarde réellement aux textes. En mode plus déposé, Cherry prend aussi une tournure sérieuse. On y parle de l’immuabilité du changement qui refuse d’être dirigé par un tiers extérieur à la personne.

Cosurmyne voit le groupe se lancer dans une nouvelle direction avec un échantillon très présent et magnifiquement traité. La pièce en est une autre déposée qui ne s’emporte pas. Il est question ici de grooves lents et poignants plutôt que de pas de danse dépensé sur la piste. Mama Oh No prend aussi une tangente viscérale. Encore une fois, ce sont les questions de changements personnels qui occupent la place centrale.

Jungle accouche d’un album qui permet à la fois de danser, mais qui vient aussi jouer dans ces zones d’ombres sentimentales. À ce titre, la description initiale de For Ever tient entièrement la route. On pourrait très bien écouter celui-ci au milieu d’un hiver nucléaire ou encore tout simplement, au milieu de la solitude humaine, perdu au milieu d’une marre d’humains qui grouille dans les grandes villes. Mais ça va, il y aura toujours l’option de danser.