Critiques

Jonathan Wilson

Rare Birds

  • Bella Union
  • 2018
  • 78 minutes
7

Jonathan Wilson est l’homme derrière les parutions de Josh Tillman, alias Father John Misty. En plus d’avoir œuvré auprès de Tillman en tant que réalisateur, Wilson a travaillé avec Roger Waters et Roy Harper, pour ne nommer que ceux-là. Considéré par plusieurs journalistes musicaux comme le modernisateur en chef de la scène musicale de la ville de Laurel Canyon en Californie – qui a connu son heure de gloire au début des années 70 – il a su insuffler une véritable cure de jouvence à un genre musical dénigré par plusieurs (et j’en fais partie !) : le soft-rock aux accents progressif.

En 2014, ce musicien accompli faisait paraître le superbe Fanfare; disque magnifiquement réalisé sur lequel les orchestrations somptueuses n’avaient d’égal que le talent de créateur chansonnier qui habite le bonhomme.

Ce surdoué de la guitare, ce compositeur accompli, ce réalisateur recherché – et vénéré par plusieurs – est un homme humble qui aime mieux les simples joies de l’anonymat que de se retrouver sous les chauds et insoutenables projecteurs de la célébrité. De manière quasi confidentielle, Wilson nous propose aujourd’hui même un nouvel album, enregistré dans son propre studio (le Fivestarsstudio à Los Angeles), et intitulé Rare Birds. Puisque Wilson a toujours su si bien s’entourer, il a rameuté quelques-uns de ses bons amis afin de donner un peu de tonus à ses nouvelles chansons : l’ami Tillman (49 Hair Flips) et Lana Del Rey (Living With Myself), entre autres.

Rare Birds est un changement de cap dans la carrière de Wilson. Pour la première fois, il plonge dans un univers synthétique en ajoutant à son instrumentation une panoplie de synthés et de boîte à rythmes qui fait le pont entre le soft-rock coutumier à la Steely Dan et certaines productions britanniques « électro-pop-new wave » des années 80. Puisque cette création atteint la durée de 78 minutes, elle vous demandera d’y consacrer du temps de qualité afin de saisir, un tant soit peu, la complexité de certains arrangements ainsi que l’indéniable beauté de la réalisation. Encore une fois, le son d’ensemble de l’album est paradisiaque.

Puisque Wilson amorce un nouveau chapitre dans sa carrière, il explore, par le fait même, un arsenal de styles musicaux évoquant autant le country-rock lustré d’un Roger McGuinn (The Byrds) et la pop d’un Peter Gabriel que le soft-rock FM de Fleetwood Mac ou encore celui de Steely Dan. Les orchestrations de cordes (la marque de commerce de Wilson) s’effacent quelque peu, mais sans disparaître complètement… ce qui donne un disque magnifiquement produit, mais qui souffre d’un certain déficit de qualité chansonnière.

Pas de doute, Wilson est incapable de médiocrité. Ce grand musicien/réalisateur – et artiste ambitieux – a écrit quelques bonnes chansons pour ce disque, mais celles-ci atteignent rarement les hauts standards de vulnérabilité que procuraient les pièces de Fanfare. Rare Birds a, semble-t-il, pris forme au lendemain d’une rupture amoureuse acrimonieuse. Au travers ses nouvelles compositions, Wilson a voulu ajouter un peu de lumière à sa vie intime en évitant de plonger les auditeurs dans un gouffre émotionnel sans fond. Cependant, Rare Birds manque de charges émotives senties et authentiques, compte tenu du contexte dans lequel ce disque a été conçu.

Cela dit, le temps d’écoute investi dans ce Rare Birds vaut quand même son pesant d’or. Over the Midnight fait penser au soft-rock épique, autant honni qu’adulé, d’Adam Granduciel (The War on Drugs). La pièce titre est un savant mélange de country-rock à la The Byrds et d’indie-rock à la Grizzly Bear. La frémissante 49 Hair Flips vous touchera droit au cœur.

Plusieurs médias spécialisés ont canonisé ce Rare Birds. Je souscris en partie à cette béatification de l’artiste. Pour la réalisation, pour les subtils arrangements, pour l’érudition musicale et les indéniables aptitudes musicales de Jonathan Wilson, j’abonde dans le même sens. Un peu moins pour les chansons…

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