Critiques

Godspeed You! Black Emperor

Allelujah! Don’t Bend! Ascend!

  • Constellation Records
  • 2012
  • 20 minutes
6,5

Le monde a eu le temps de beaucoup changer en dix ans. En musique, dix ans entre deux albums, c’est presque une éternité. Et quand ça concerne un groupe comme Godspeed You! Black Emperor, qui s’est établi à la fin des années 1990 comme une référence en matière de musique indépendante et anticonformiste, dix ans, ça érige des attentes énormes. La musique du collectif est instrumentale, mais ses pochettes, ses rares interviews, les manifestes lus avant ses spectacles et les projections sur scène en disent suffisamment pour brosser son portrait idéologique: le groupe souhaite rejeter les normes de l’industrie de la musique, voire du système économique en général où la croissance l’emporte sur tout le reste, même les valeurs les plus nobles. La musique de Godspeed, dramatique, progressive et très émotive, fusionnant post-rock et musique classique romantique, évoquait un scénario post-apocalyptique en phase avec cette image.

On pouvait espérer, quand le groupe a annoncé son retour sur scène en 2010, qu’il ne se contenterait pas d’offrir un simple tour de piste ancré dans la nostalgie. Godspeed allait nous offrir du neuf, non? Il allait créer, s’opposer au courant, résister, s’élever! Si c’est bien ce que Godspeed a l’intention de faire, il va falloir attendre.

Presque deux ans plus tard arrive Allelujah! Don’t Bend! Ascend!, qui offre deux drones et deux longues pièces que le groupe jouait déjà en spectacle en 2003. L’album ouvre avec Mladic (autrefois surnommée Albanian sur les setlists), qui offre ce à quoi on s’attend du ténébreux groupe du Mile-End: intro sur fond d’échantillonnages de voix récupérée, vrombissements soutenus menant à une longue progression culminant en un motif mélodique simple et dramatique, à plein volume. L’autre longue pièce de l’album, We Drift Like Worried Fire (autrefois Gamelan), ancre sa progression dans un motif mélodique à trois notes assez habilement développé. La structure de la chanson est moins directe et plus sinueuse que dans Mladic, mais on peut se demander s’il fallait vraiment la faire durer 20 minutes.

Reste les deux drones qui, sans être inintéressants, apportent peu à l’album. Their Helicopters Sing joue bien le rôle de trou normand entre les deux plats principaux et ramène les cornemuses, à ce que je sache, pour la première fois depuis East Hastings de l’album F#A#∞. Enfin, Strung Like Lights At Thee Printemps Erable clôt l’album avec son ambiance la plus apocalyptique, quoique baignée d’un reverb épais, approche un brin paresseuse comparé à ce que Godspeed a su faire par le passé.

Je retire du tout une impression de fatigue, comme si la forme sur laquelle le groupe a mis le doigt il y a quinze ans était devenu un carcan, ou une béquille, pour un groupe qui a encore envie de jouer mais qui est venu à bout de choses à dire sans se répéter. Ou peut-être que Godspeed se purge des vieilles compositions qui lui restait pour faire table rase avant la prochaine offrande? Je me croise les doigts.

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