Critiques

Deerhunter

Fading Frontier

  • 4AD
  • 2015
  • 37 minutes
8
Le meilleur de lca

DeerhunterVoilà un autre groupe prisé par le vieil homme de l’ombre du Canal Auditif. Oui, je l’avoue. J’ai le plus grand des respects pour Deerhunter, plus particulièrement pour le talent de compositeur/arrangeur de Bradford Cox. Ce gars-là pourrait jouer avec n’importe qui et on reconnaîtrait d’emblée sa signature, un signe manifeste du talent exceptionnel qui habite ce créateur. Après l’excellent et assez garage Monomania paru en 2013, Deerhunter revient cette semaine avec Fading Frontier: disque réalisé par l’homme qui était derrière la console pour Halcyon Digest, le bien nommé Ben H. Allen III.

En décembre 2014, Cox a été heurté de plein fouet par une automobile alors qu’il déambulait paisiblement avec son chien. Une dépression grave s’ensuivit. Même si l’homme refuse de l’admettre en entrevue (un caractériel de haut niveau, semble-t-il), on ne peut ignorer que ces événements puissent avoir eu un impact sur la gestation de ce Fading Frontier. Cette fois-ci, Deerhunter emprunte un virage nettement plus accessible. Plus près d’Halcyon Digest que de Monomania, les guitares décapantes sont reléguées au second plan et font place à des boîtes à rythmes, claviers d’ambiance et autres babioles électros, mais aucune inquiétude à y avoir, ce n’est jamais racoleur. C’est véritablement, à mon humble avis, l’album pop de Deerhunter. Bien sûr, tout dépend de ce que vous entendez par «pop».

On retrouve donc un groupe confortable et plus paisible qu’à l’accoutumée. On y entend également l’indéniable mainmise créative de Cox sur la direction artistique de l’album, comme si Deerhunter servait de faire-valoir à son leader. Bref, Deerhunter s’assagit tout simplement. La chanson Leather And Wood constitue un exemple probant de cet adoucissement des mœurs musicales de la formation, évoquant à la fois Atlas Sound (projet solo de Cox) et une dream pop neurasthénique à la Beach House. Du même souffle, le quatuor nous propose aussi un funk rock de génie (un brin shoegazien) titré Snakeskin. Une excellente chanson qui se hissera assurément dans mes morceaux prisés de l’année en cours.

Ceux qui les préfèrent plus bruyants pourraient déchanter aux premières écoutes de cette création, mais au fil des auditions, on découvre les subtiles couches sonores habilement éparpillées tout au long de cette sitedemo.cauction et qui viennent sérieusement la bonifier… et Cox est en superbe forme autant au niveau de l’écriture chansonnière que de l’interprétation.

Parmi les autres pièces de prédilection de cet album, j’ai grandement apprécié l’entrée en matière tellement Deerhunter (les fans sauront de quoi je parle) titré All The Same, la pop rêveuse un brin psychédélique Ad Austra, la synthétique Living My Life, la valse vaporeuse Take Care de même que la conclusive Carrion sur laquelle l’emprise «folk-rock de poteux» fait un effet bœuf sur l’auditeur.

Deerhunter accomplit l’exploit de se réinventer sans trop décevoir le fanatique de la première heure. La bande demeure elle-même tout en y allant d’un virage un peu plus lumineux. Plusieurs musiciens se sont cassé la gueule à ce jeu d’équilibriste passablement risqué. Pas Deerhunter. Preuve de l’immense talent du meneur incontesté et de ses accompagnateurs. Encore une fois, c’est réussi.

Ma note: 8/10

Deerhunter
Fading Frontier
4AD
37 minutes

http://4ad.com/artists/deerhunter

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=CG6jk5Q90DA[/youtube]