Critiques

Daft Punk

Random Access Memories

  • Columbia Records
  • 2013
  • 75 minutes
6,5

random-access-memoriesDaft Punk. Juste entendre le nom donne des palpitations. Ses premiers 12 pouces étaient le summum du cool, Homework a changé des vies, Discovery était ce qu’on peut nommer sans exagérer un chef-d’œuvre, et Human After All prouvait que malgré quelques signes de fatigue, Daft Punk était encore supérieur à ses nombreux imitateurs. Enfin, l’album Alive 2007 et la tournée qu’il documentait ont redéfini ce qu’un spectacle de musique électronique pouvait être et ont clairement servi de modèle aux populaires sitedemo.cauctions scéniques d’artistes comme Skrillex et Rusko.

Je comprends donc que beaucoup de monde considère Random Access Memories comme un autre chef-d’œuvre. C’est un réflexe conditionné. J’ai voulu y croire moi aussi.

La vaste et habile opération de promotion qui annonçait Random Access Memories depuis plusieurs semaines laissait présager un vibrant hommage au disco des années 1970 et à la musique pop des années 1980. Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo allaient, nous disait-on, se ressourcer à leurs inspirations pour réengager la musique électronique sur une nouvelle voie. Je serais sûrement moins déçu si on nous avait fait miroiter quelque chose de plus humble. Que le duo veuille utiliser des techniques de studio traditionnelles, qu’il n’avait jamais utilisées, et exprimer quelque chose de plus concret et de plus personnel que dans ses créations précédentes, c’est tout à fait valable. Qu’on me présente ça comme quelque chose de révolutionnaire et d’une grande importance, ça sent l’égocentrisme et la complaisance.

Accordons à Daft Punk qu’ils font sur cet album des choses qu’ils n’avaient jamais osé faire par le passé. Ils ont enregistré avec des musiciens virtuoses qui ont participé à certains des plus célèbres enregistrements des années 1980. Étant donné le passé house de Daft Punk, c’est un virage courageux et ambitieux, mais ça les amène aussi sur le terrain beaucoup plus vaste de la musique non électronique. La présence de Nile Rodgers quémande des comparaisons à Chic, mais on y entend aussi des comparaisons beaucoup moins flatteuses (à Alan Parsons Project, à Michael MacDonald, voire au vieux pop disco français type Patrick Juvet). Et si Thomas et Guy-Manuel n’ont rien de mieux à chanter que la sentimentalité mièvre et simpliste de Game of Love et de Within, je préfère de loin entendre les mots “around the world” répétés 150 fois.

Certaines pièces de l’album arrivent à faire ce qu’on nous avait suggéré, soit s’inspirer de l’ère disco pour faire quelque chose de neuf et de résolument Daft Punk. Les deux pièces chantées par Pharrell Williams (Get Lucky et Lose Yourself To Dance) sont légères, pétillantes et ensoleillées; la collaboration avec Panda Bear, Doin’ It Right, trouve un juste milieu entre Daft Punk et Animal Collective, même si la mélodie s’essouffle un peu vite; Touch est le morceau le plus ambitieux de l’album et ne tombe pas à plat, digne des opéras rocks dont il s’inspire, avec un Paul Williams touchant malgré une voix aussi chevrotante que celle d’un bouc; et Contact est de la grosse bombe qui clôt l’album en nous montrant ce que Daft Punk aurait fait s’il s’en était tenu à ses vieilles habitudes et à ses forces (notons que la première version de cette chanson remonte à 2002).

Je terminerai par Giorgio by Moroder, dans laquelle j’entends à la fois le meilleur et le pire de Daft Punk version 2013. Évidemment que Daft Punk peut faire un bon pastiche de Moroder, il en a fait plusieurs. La réalisation hors pair et les musiciens de talent sitedemo.cauisent une intéressante nouvelle réinterprétation de Moroder, du moins jusqu’à ce que la direction des musiciens perde tout sens de la mesure. Les fioritures de batteries et le solo de guitare sont de mauvaises idées qui auraient gagné à être révisées et réduites. Il me vient l’image de Dirk Diggler et Reed Rothchild, défoncés sur la cocaïne, persuadés qu’ils tiennent une chanson fantastique, dans Boogie Nights. Bangalter et de Homem-Christo ont une technique irréprochable et peuvent se payer tous les trips, mais ce qui leur manque le plus en ce moment est un sens de l’autocritique.

Ma note : 6,5/10

Daft Punk
Random Access Memories
Columbia
75 minutes

www.randomaccessmemories.com/

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