Critiques

Sun Kil Moon

Common as Light and Love Are Red Valleys of Blood

  • Caldo Verde Records
  • 2017
  • 129 minutes
6

En voilà un qui ne fait absolument pas l’unanimité au sein de mon entourage. Ma charmante épouse et plusieurs collègues oeuvrant au Canal Auditif sont tout simplement incapables de le blairer. Et je peux les comprendre. Oui, la semaine dernière, le verbeux Mark Kozelek, alias Sun Kil Moon, était de retour avec un nouvel album : Common as Light and Love Are Red Valleys of Blood.

L’an dernier, le sitedemo.cauctif compositeur s’était associé avec la formation rock Jesu; une création somme toute réussie où le folk spleenétique de Kozelek se mariait assez bien avec la saturation sonore habituelle du groupe. En 2015, l’artiste avait fait paraître Universal Themes et l’année précédente, l’Américain proposait le célébré Benji; disque qui l’a fait connaître auprès d’un public dit « hipsterien », un auditoire qu’exècre Kozelek.

Pour ce 8e album solo, il s’est adjoint les services de l’excellent batteur Steve Shelley, celui-là même qui s’agitait derrière les fûts chez Sonic Youth. Tout l’esprit folk mélancolique dans lequel le songwriter excelle habituellement a pratiquement disparu au profit d’un rock minimaliste qui laisse toute la place aux textes. Ce folk sert plutôt d’intermède (ou de transition), car toutes les pièces de ce marathon musical dépassent la barre des cinq minutes.

Sun Kil Moon nous présente donc un polaroïd hyperréaliste de ce qu’il a vécu/perçu au cours de l’année 2016. On passe de l’éprouvante élection présidentielle (Trump passe bien sûr à la moulinette) à sa passion pour les sports de combat en passant par ses habituelles et touchantes déclarations d’amour à ses proches. Bien sûr, Kozelek n’a pu s’empêcher d’y aller de son légendaire « name dropping » qui agace toujours autant. Comme vous pouvez le constater, rien n’a changé, c’est toujours aussi touffu.

Pour ma part, j’ai énormément de respect pour le travail de Kozelek. On peut détester le ton acrimonieux et obsessif de l’artiste. On peut être rebuté par le réalisme bavard de l’auteur, mais personne ne fait de la musique comme lui. Lorsque l’on fait ce constat, qu’on affectionne ou qu’on réprouve, on se doit de respecter la formule atypique de Sun Kil Moon. Et pour moi, le respect et l’intégrité sont les seules choses qui comptent, que ce soit en mode création… ou dans la vie tout simplement.

Honnêtement, après une trentaine de minutes, j’en ai eu assez. Compte tenu du caractère un peu rentre-dedans du bonhomme, ce disque est « trop ». Trop de mots, trop d’authenticité (jamais je n’aurais cru dire ça d’un artiste), trop de colère, trop d’amour, trop de réalisme, trop de chansons qui n’en finissent plus de finir, trop d’intensité. Même si j’embarque toujours dans les propositions de ce singulier musicien, cette fois-ci le trop-plein déversé par Kozelek m’a fait décrocher.

Cela dit, quelques chansons se démarquent. L’entrée en matière God Bless Ohio, le côté menaçant de Window Sash Weights, la naïve I Love Portugal, les cuivres et synthés entendus dans Seventies TV Show Theme Song (Kozelek peut faire preuve d’un certain sens de l’humour) ainsi que la conclusive et touchante I Love You Forever and Beyond Eternity… phrase que Kozelek répète bien sûr ad vitam aeternam.

Puisque je tiens en haute estime la démarche artistique de Sun Kil Moon, ce disque obtient la note de passage, mais de justesse. Exigeant, long et redondant, Kozelek devrait peut-être songer à réajuster le tir lors de sa prochaine aventure. En même temps, je soupçonne fortement que c’est plus fort que lui. Cet homme a besoin de tout dire, de tout raconter, sans aucune censure, et très peu d’artistes (et d’humains en général) sont capables d’autant de véracité. Ça lasse ou ça plaît, mais ça ne laisse personne indifférent.

Ma note: 6/10

Sun Kil Moon
Common as Light and Love Are Red Valleys of Blood
Caldo Verde
129 minutes

http://www.sunkilmoon.com/bio.html