Critiques

Lil Peep

Come Over When You’re Sober, Part I

  • Indépendant
  • 2017
  • 24 minutes
7,5

Ernest Hemingway a été le grand témoin de la génération perdue : « la “génération perdue”, d’hommes et de femmes qui, à cause de la Première Guerre mondiale, n’ont plus foi dans les valeurs morales et qui vivent avec un désintérêt cynique tout ce qui ne concerne pas leurs propres quêtes émotionnelles. »

S’il l’a fait à l’époque, aujourd’hui on remarque une certaine tendance à faire de même par une génération de jeunes créateurs. Ceux-ci incarnent les stigmates des changements sociaux: la mort du mariage en tant que principe fondateur des relations amoureuses, l’amour au temps du numérique, la société du loisir et la facilité à consommer des drogues qui ouvrent l’esprit ou permettent une euphorie temporaire.

« Lil Bo Peep with a brand new bitch
In the back of the club with the GothBoiClique
Iced out teeth, want an iced out whip
With the limousine tints, you can suck my dick
Friends switch up when you in a Benz truck (skrrt)
Hoes wanna fuck, tell a bitch, « Good luck »
Hoes wanna fuck ’cause it just came up
Drugs in my nose, good drugs in my cup »
– Benz Truck (Гелик)

Si ces premières paroles vous offusquent, vous risquez de trouver l’écoute de Come Over When You’re Sober, Part I particulièrement ardue. Lil Peep sur ce premier album en bonne et due forme après une multitude de mixtapes et d’EP paru en douce dans les deux dernières années. C’est le magazine américain qui a mis le « spotlight » sur son œuvre qui commençait à faire jaser. Et avec raison.

Lil Peep mélange habillement le rock emo et le trap. Disons que dans les possibilités d’amalgamer rap et rock, il a réussi de manière pas mal plus flamboyante que Limp Bizkit. S’il possède certains traits de la culture hip-hop dans ses paroles, on se retrouve devant une majorité de textes à connotations émotionnelles, plongeant dans la noirceur de l’âme heurtée :

«Runnin’ away from you takes time and pain
And I don’t even want to
So I’m gettin’ high all week without you
Popping pills, thinking about you »
– U Said

Lil Peep n’est certainement pas le plus grand poète de son époque. Ses textes et surtout ses rimes restent très basiques. Mais c’est un mélodiste doué qui sait créer des airs vocaux qui vous restent en tête plusieurs jours après l’écoute. Un don qui n’est pas donné à tous. Avec ses mélodies qui coulent naturellement Lil Peep nous attire dans son univers de relations tumultueuses, de néons de bar et de lignes faites en vitesse dans les toilettes entre deux Red Bull-Vodka.

The Brightside avec son riff de guitare simple et efficace représente un petit bijou de musique pop. C’est un peu ce qui est à attendre du jeune homme qui saura sans doute percer dans un milieu où il aura toujours l’aura de méchant garçon. C’est un peu comme si Justin Bieber osait dire ouvertement à tous ces fans : « je pop des pills et j’ai envie de mourir. » Et si une chose ressort des thématiques de Lil Peep, c’est qu’il est conscient de l’autodestruction qu’il chante. Est-ce qu’il la vit? C’est son jardin secret, mais certainement qu’il observe ce qui se passe autour de lui.

« Help me find a way to pass the time (to pass the time)
Everybody telling me life’s short, but I wanna die (I wanna die)
Help me find a way to make you mine (make you mine)
Everybody telling me not to, but I’m gonna try
Now I’m getting high again, tonight »
– Brightside

Le moment où certains mélomanes plus âgés cracheront sur Lil Peep en disant que c’est de la musique remplie de vent plutôt que de substance arrivera. Mais c’est qu’ils seront déconnectés de ce qui arrive sur le plancher des vaches. Peut-on blâmer Lil Peep de voir tout en noir? Après tout, il est né dans un monde en plein changement qui cherche toujours ses repaires et qui met à la tête d’un pays un milliardaire qui représente tout ce qui est sombre et lugubre à ce point-ci de l’histoire. Il y a de quoi se geler pour oublier qu’on fait partie d’une telle société.

Ce mal d’être se transforme en petites pépites d’or entre les mains de Lil Peep. Come Over When You’re Sober manque de finesse dans la poésie. Et c’est très court pour un premier album, 24 minutes bien compactes. Mais il n’a que 20 ans. Même si les temps peuvent être sombres, l’avenir semble prometteur pour le jeune homme.

Ma note: 7,5/10

Lil Peep
Come Over When You’re Sober, Part I
Indépendant
24 minutes

http://www.lilpeep.party/

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