Critiques

A Perfect Circle

Eat the Elephant

  • BMG
  • 2018
  • 57 minutes
6

La description qui accompagne l’album est loufoque. On n’attend rien de moins de la part de Maynard James Keenan et Billy Howerdel. Supposément cryogénisé pendant 10 ans, Howerdel aurait été choqué d’apprendre que Winehouse, Prince et Bowie avait passé l’arme à gauche, mais que 3 Doors Down et Creed existaient toujours. On le comprend… même en ayant vécu ces années en parfaite conscience, ça laisse perplexe. Finissant la description en disant qu’à la vue de l’état des choses actuelles aux États-Unis, il s’ennuyait de George W. Bush.

En effet.

Mais bon, revenons à la musique. A Perfect Circle n’a pas totalement été inactif pendant la période de 14 ans qui sépare la sortie eMotive et Eat the Elephant. La formation avait recommencé à tourner en 2010, mais avec Maynard James Keenan occupé avec Tool et Puscifer, il semblait avoir peu de temps pour arriver à un nouvel album. Pour la première fois, APC a fait appel à un réalisateur extérieur : Dave Sardy. Il a permis aux idées d’aboutir plus rapidement étant donné que le processus de création n’est pas toujours simple avec Keenan et Howerdel.

Tout ceci a mené à Eat the Elephant, un album qui s’éloigne des expérimentations sonores plus abrasives d’eMotive. Plus près du son de Thirteen Steps, il s’en dégage tout de même une importance capitale donnée au propos politique. The Doomed est éloquente à cet effet se terminant sur de sombres paroles :

Doomed are the poor
Doomed are the peaceful
Doomed are the meek
Doomed are the merciful

For the word is now death
And the word is now without light
The new beatitude:
« Fuck the doomed, you’re on your own »

– The Doomed

The Doomed est aussi l’une des rares chansons où la guitare est plus abrasive, appuyée par des cuivres qui ponctuent les moments plus intenses. C’est aussi l’un des rares moments où Keenan ressort ce qui lui reste d’agressivité. C’est tout de même une pâle copie de ce qui habite Mer de Nom ou Thirteen Step. Logique, il ne rajeunit pas. On ne peut pas en vouloir au monde entier toute sa vie. TalkTalk reprend un thème et une atmosphère qu’on aurait pu retrouver sur Mer de Nom. Il pourfend de nouveau les croyants qui ont une tendance à parler comme Jésus, mais toujours avoir la pierre à la main. On s’y reprend sur By and Down the River qui revêt cette atmosphère glauque. Cette dernière a été réenregistrée, mais il s’agit d’un titre paru en 2013.

Disillusionned verse aussi dans cette même direction, mais le résultat est franchement moins excitant, ironiquement. D’ailleurs dans l’ensemble, sans être un album raté, c’est un album qui manque de dynamisme et qui est étonnamment propre pour l’esthétique sonore qu’ils ont développé. Il y a donc de la distorsion, mais elle est toujours plutôt inoffensive. C’est à se demander si Billy Howerdel s’est emmerdé en studio.

Keenan fait pour sa part quelques expériences vocales qui sont étranges au tout début, mais qui à force d’écoute finissent par faire leur chemin. La chanson-titre et The Contrarian le voient entrer dans un registre jusqu’ici inexploré, même à travers Puscifer. Étrange… mais étonnamment efficace. Il faut dire que les deux chansons comptent aussi sur des mélodies convaincantes.

Cet Eat the Elephant laisse un peu avec un drôle de sentiment. Comme aller au resto, manger quelque chose de goûteux, pas incroyable, mais bon tout de même, mais avoir toujours faim lorsque la facture atterrit sur la table. Ce n’est pas le travail le plus inspiré ou inspirant de Maynard James Keenan, mais il reste que le duo Keenan /Howerdel sont talentueux et quelques pièces réussissent à frapper la cible.