Critiques

She-Devils

She-Devils

  • Secretly Canadian
  • 2017
  • 37 minutes
7,5

L’arrivée tant attendue du beau temps amène son lot de questionnements. Quel type de grillades pour le barbecue? Terrasse au centre-ville ou party sur le balcon? Et surtout, quelle musique amener à la plage? Ça tombe bien puisque le duo She-Devils semble avoir concocté l’album parfait pour y répondre, avec des grooves yé-yé et des refrains espiègles qu’il fera bon fredonner cet été, un verre à la main.

Composé de la chanteuse Audrey-Ann Boucher et de l’instrumentiste Kyle Jukka, She-Devils suscite le buzz depuis la sortie remarquée d’un EP de quatre titres au début de l’année dernière. Lancé sous l’étiquette Secretly Canadian, le premier album complet du duo montréalais poursuit dans la même veine, avec des chansons plutôt simples qui combinent avec brio la pop bonbon et les arrangements psychédéliques, truffés de sons inventifs et colorés. On pense bien sûr à des groupes comme Best Coast ou Alvvays pour les mélodies très inspirées des années 60, mais il y a aussi un petit côté franchouillard (pensons à Françoise Hardy) dans tout ça.

Il suffit d’écouter le refrain atypique de la chanson Come (qui figurait sur l’EP lancé en janvier 2016 et qui ouvre les hostilités ici) pour comprendre que Boucher et Jukka ne suivent aucune règle. Certes, ils ne réinventent rien et s’abreuvent à toutes sortes d’influences. On entend un peu de Nancy Sinatra dans cette voix à la fois franche et fragile de Boucher, un peu de Madonna dans ces grooves dansants et clinquants, un peu de Beach Boys dans ces riffs aquatiques qui donnent le goût de glisser sur les vagues… Mais ça reste d’une sincérité désarmante et rafraîchissante.

Cette insouciance vient peut-être du caractère autodidacte du duo. En effet, Audrey-Ann Boucher a confié qu’elle n’avait jamais chanté ou même joué d’un instrument avant de former She-Devils. Son approche créative témoigne d’ailleurs d’une quête de liberté qui s’exprime autant dans son chant langoureux que dans ses textes, qui semblent sortir tout droit de son subconscient, comme dans la jolie ballade Never Let Me Go, où elle raconte :

« There’s a place where we can go
Right here if you let me take you in
I know that this is for real
I saw the look in your eyes ».
– Never Let Me Go

Même si l’esthétique demeure rétro, la sitedemo.cauction, elle, se veut résolument moderne, que ce soit dans les synthés luxuriants sur Blooming ou cette guitare calypso à la Mac DeMarco qui accompagne un titre comme How Do You Feel. Dans l’ensemble, le côté pop l’emporte sur l’approche lo-fi, malgré les efforts du duo pour que ça sonne sale (le grésillement d’un vieux 33 tours sur Darling, par exemple.) C’est un peu enfantin par moments, comme si l’on était transporté dans un dessin animé un peu déjanté. Ça tient peut-être de la facture visuelle du duo, inspirée du cinéma de John Waters et de Quentin Tarantino, et qui transparaît dans ses vidéos.

Certes, on aurait parfois aimé quelque chose d’un peu plus grinçant ou insolent. Après tout, la démarche de She-Devils (le côté DIY, l’influence des années 60, les textes un peu irrévérencieux) se rapproche de l’esthétique punk, mais il n’en reste pas grand-chose au final dans la musique elle-même. C’est léger, doucement acidulé, comme une bonne bière Gose qu’on dégusterait sur une terrasse…

Ma note: 7,5/10

She-Devils
She-Devils
Secretly Canadian
37 minutes

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