Critiques

Liars

TFCF

  • Mute Records
  • 2017
  • 38 minutes
5

Depuis l’aventure difficile de son deuxième album, Liars a la grande qualité d’obéir à son inspiration et de s’autoriser à essayer toutes les idées, du sublime au ridicule. Le groupe mené depuis le départ par Angus Andrew a su bâtir une identité particulière, reconnaissable par des rythmes agressifs et hoquetant et par la juxtaposition d’angoisse déroutante et de sentimentalité désarmante.

Le groupe a été un quatuor le temps d’un album, puis un trio pendant les six suivants, dont le plus récent Mess en 2014, que j’avais jugé sévèrement dans les pages du Canal. Comme pour confirmer que Mess était la fin d’une époque, le groupe vite s’est fractionné. Le batteur Julian Gross est parti peu de temps après le lancement de Mess, puis cette année, Angus Andrew a perdu son collègue de longue date Andrew Hemphill aux mains des raisons habituelles à leur âge : priorités familiales et manque général d’inspiration.

La vie d’Angus Andrew a elle aussi été chamboulée par des changements : il est rentré vivre dans son Australie natale pour passer du temps avec son père mourant, il a eu lui aussi un enfant, et il s’est établi dans la nature sauvage, dans une maison sans eau courante. Malgré tout, il choisit de faire durer le nom Liars et de composer et enregistrer ce nouvel album seul. Si le passé de Liars nous garantit une chose, c’est qu’Andrew tentera de se réinventer en abordant ses idées sans peur, advienne que pourra. Et c’est bien ce qui se passe; reste à voir cependant qui voudra s’y soumettre en tant qu’auditeur.

TFCF représente très bien la nouvelle réalité d’Andrew : un artiste dont la vie a été bousculée, et qui se retrouve pour la première fois seule dans son processus créatif, sans partenaire sur qui faire rebondir ses idées. D’où l’image choisie en guise de pochette : Angus Andrew en mariée, s’épousant lui-même. C’est brave, mais reste que le travail de filtrage qui s’opère dans une collaboration était très bénéfique à Liars, et l’enlever de l’équation a des effets ravageurs.

Même les moments où Andrew semble tenir une idée prometteuse, et il y a plusieurs moments du genre sur l’album, des maladresses viennent faire des éclaboussures malsaines. Tout finit par avoir l’air d’un brouillon, d’une idée lancée en l’air sans souci de la faire durer, voire de parodies d’idées saugrenues, du flamenco à la power-pop.

On peut choisir d’y entendre une représentation fidèle de ce qu’Andrew traverse : la solitude, le regret, la confusion. C’est artistiquement valable, mais pas plus écoutable. Et si Liars demeure un projet solo par la suite, il faut bien qu’Andrew passe par une phase d’apprentissage et d’expérimentation seul. On attend donc d’entendre la suite avant de baisser les bras, mais on ne reviendra pas de sitôt à TFCF.

Ma note: 5/10

Liars
TFCF
Mute Records
38 minutes

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