Critiques

Flotation Toy Warning

The Machine That Made Us

  • Talitres
  • 2017
  • 61 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Il arrive qu’un album sorti de nulle part nous happe sans qu’on sache trop pourquoi… Parfois parce que la musique y est simplement géniale; parfois parce qu’on en avait précisément besoin, à ce stade de notre existence. Treize ans après un premier album élevé au rang de culte, le groupe britannique Flotation Toy Warning récidive avec le sublime The Machine That Made Us, qui nous hantera longtemps.

L’histoire du quintette mené par le chanteur Paul Carter est assez particulière. Formé en 2002, le groupe lance deux ans plus tard un premier album intitulé The Bluffer’s Guide to the Flight Deck. Avec sa pop atmosphérique assez proche de l’univers des Flaming Lips, Mercury Rev et autres Grandaddy, le disque remporte un certain succès d’estime dès sa sortie. Mais une stratégie de mise en marché douteuse (il s’écoule un an entre la parution de l’album en Grande-Bretagne et aux États-Unis) et certaines tensions entre les membres font sombrer la formation dans l’oubli.

En 2011, Flotation Toy Warning fait paraître deux nouvelles chansons qui donnent l’espoir d’un retour imminent. Mais là encore, il faudra l’insistance de l’étiquette Talitres pour que le groupe se mette au travail. La légende veut d’ailleurs que Carter se soit réfugié dans une église pendant un an pour boucler l’album.

Sur le plan stylistique, The Machine That Made Us ne marque pas nécessairement un changement de direction par rapport à son prédécesseur. Le ton reste mélancolique, et les orchestrations se veulent tout aussi somptueuses, avec chœurs fantomatiques et claviers planants. La différence, c’est que le groupe fait preuve d’un certain effort de concision. En effet, alors que The Bluffer’s Guide to the Flight Deck donnait parfois l’impression de tourner à vide avec des répétitions pas toujours nécessaires, chaque note apparaît tout à fait à sa place sur The Machine That Made Us.

Mais n’allez pas croire que Flotation Toy Warning a perdu son penchant pour les pièces qui se déploient lentement. À près de huit minutes, la géniale Everything That is Difficult Will Come to an End nous entraîne dans les profondeurs avec ses synthés abyssaux et le chant torturé de Carter. À mi-chemin entre pop de chambre et rock-psyché, Due to Weather Conditions All of My Heroes Have Surrendered frappe elle aussi dans le mille avec ses lignes de cuivres et ses mélodies fines.

Les titres plus simplistes en apparence participent aussi à l’édification de ce disque à la fois sombre et rassurant. C’est le cas de la ballade Driving Under the Influence of Loneliness, avec ses paroles qui tiennent en quatre lignes seulement :

« Drive, drive for miles, to a place where you feel safe
Step down from the car, you’re leaving, you won’t be traveling no more
Take off your hat, put your clothes on the floor beside of that
You’re leaving, you won’t be needing, to dress for dinner no more ».
– Driving Under the Influence of Loneliness

La plaintive I Quite Like It When He Sings, sur laquelle la voix de Carter semble sortir du combiné du téléphone, nous enveloppe aussi de sa beauté terrible.

The Machine That Made Us n’est pas un album sans défaut. Sa mélancolie semble un brin appuyée par moments, et certaines transitions opèrent moins bien que d’autres. Mais il y règne une telle ambiance qu’on en accepte les travers pour se laisser envelopper par ces sonorités que l’on pourrait qualifier de sous-marines, à défaut d’un autre terme, et qui tiennent autant des claviers tremblotants que des guitares nappées d’effets. Un disque à écouter d’une seule traite… les yeux fermés.

Ma note: 8,5/10

Flotation Toy Warning
The Machine That Made Us
Talitres
61 minutes

http://www.flotationtoywarning.co.uk/