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Pitchfork Music Festival 2014

maxresdefaultDu 30 octobre au 1er novembre, un des plus importants festivals français (parrainé par des Américains, mais bâti par des Français) s’étale dans le nord de Paris. À mi-chemin entre l’hiver et l’été, les têtes d’affiche écossaises Belle And Sebastian et Mogwai ainsi que le Canadien Caribou ont embelli l’automne francilien.

D’abord, tout s’enchaîne!

Le Pitchfork Music Festival Paris! La rencontre ultime entre tous les fans européens du géant américain de la critique et de la musique indépendante dans tous ses états. Même si cette année est à forte consonance électro (plus que d’habitude) avec des invités comme James Blake, Four Tet ou autre Jamie XX, le Pitchfork propose une programmation très variée qui devrait plaire à 95% des amateurs de musique sur cette terre…

Cette première journée s’ouvre sur une des plus belles découvertes canadiennes grand public de l’année. Ought et ses quatre membres aux visages si juvéniles et aux pas de danse improbables. S’ils se sont montrés à la hauteur de l’événement, le quatuor n’a pas eu plus de trente minutes et cinq morceaux pour pouvoir exposer l’intégralité de leur talent. The Notwist qui a eu plus d’une heure aurait largement pu leur laisser quelques minutes de leur set interminable, tout comme How To Dress Well. Tom Krell et son égo se sont longuement étalés avec «une musique de générique de Disney» comme l’a fait si judicieusement remarquer un membre du public.

Un mauvais public

IMG_10399De toute façon, une soirée commence rarement bien. Après avoir encaissé le prix de la pinte à sept euros et compris que le festival n’aurait d’intérêt qu’autour de 21h, j’ai pris mon courage à deux mains pour me transporter devant The War On Drugs. Un groupe qui ne me passionne plus depuis longtemps.

Il y a trois types de personnes que je déteste du plus profond de mon âme lors des concerts. Il y a d’abord ceux qui parlent sans arrêt et qui font partager leurs discussions aux personnes des alentours. Puis, il y a ces types qui se moquent bruyamment de l’artiste et qui veulent bien montrer à quel point ils sont détachés de l’événement. Enfin, et surtout, il y a les couples. Ils s’embrassent et sont toujours à deux doigts de se monter dessus juste en face de toi alors que tu essayes de triper tranquille sur Jon Hopkins.

Le Pitchfork réunit tout ça. Et au centuple. C’est un festival de téléphones intelligents aux larges écrans qui s‘éclairent le temps du tube de l’artiste. Des «ooouuuhhh» et puis plus rien. C’est la foule la plus soporifique qu’il m’ait été donné de voir. Même en 2012 pour Japandroids, les quelques personnes présentes avaient eu du mal à se laisser aller… alors que le duo canadien est un groupe quasi inégalable sur scène.

The War On Drugs n’a pas été bon. Juste une succession de solos liquoreux pour couple. Un kitsch monstrueux dans le décor et les éclairages (roses…) auront fini de m’achever. Je ne sais pas encore ce qui a été le pire. Le solo de saxophone ou d’harmonica. Une chose est sûre, Adam Granduciel n’a créé son groupe que pour pouvoir draguer facile. Et pourtant, Wagonwheel Blue (2008) est un de mes disques cultes. Sur scène son groupe prend juste une dimension peu flatteuse et très réductrice.

Mogwai et Jon Hopkins au top

IMG_10388Bon heureusement la soirée ne s’arrêtait pas là. 21h20, transhumance vers la «pink stage». Après quelques minutes d’attentes, le quintette écossais de post-rock Mogwai débarque. Et enfin le festival commence.

Avec un set d’à peine une heure, les Écossais ont distillé les meilleurs moments de leur discographie. De Mogwai Fear Satan aux plus récents Rano Pano et I’m Jim Morrison I’m Dead, c’est un mur du son qui s’est abattu de toute sa puissance sur un public scotché par ce déluge électrique. S’ils sont toujours aussi statiques sur scène, Stuart Braithwaite et ses camarades auront eu le mérite de faire bouger la foule massive qui s’étendait devant eux. Très esthétique, la scénographie à l’image de leur musique en bloc – quatre guitaristes côte à côte parfaitement parallèles et bien espacés impulsaient une impression de puissance encore plus forte aux sons saturés qui s’échappaient de leurs instruments.

Et il fallait se dépêcher pour ne pas louper le début de Jon Hopkins. Trois secondes après Mogwai, le Britannique balançait déjà son intro. La foule le savait, c’était le moment fort de cette première journée. En jouant les temps forts de son Immunity le sitedemo.caucteur a tout simplement mis le feu à la Grande Halle de la Villette. Lorsqu’en plein set, les premiers sons d’Open Eyed Signal se sont fait entendre, je crois que nous sommes tous rentrés dans un état de transe (sauf trois types de personnes, voir plus haut). Quelles mélodies! Quelle science de l’attente et de l’explosion!

Et puis il y a eu Future Islands/Samuel Herring

IMG_12566Halloween coïncidait avec le deuxième jour de festival. Des squelettes, sorcières ou pingouins ont hanté la foule. Et c’est vrai que l’ambiance s’en est trouvée changée. Plus dansante et avenante, la grande masse de personnes a grandement participé à la réussite de cette deuxième journée.

Il n’y a pas eu de catastrophe (voir en 2012, Animal Collective et son set de deux heures où la moitié de la foule avait disparu). Très féminine, la soirée a mis en avant St. Vincent, Chvrches ou Mo. Toutes grimées en squelettes elles auront largement fait danser le public. Encore plus que Jon Hopkins! De toute façon, les deux tiers des personnes présentes venaient surtout pour voir Samuel Herring, l’incroyable leader de Future Islands. S’assurer qu’il est aussi dingue que lors de sa fameuse prestation lors du Letterman Show. Vérification faite, le type est une bête de scène hors du commun. Il a grimpé, sauté, «slammé» partout. Entre des mouvements de danse par terre et des pas de polka, il a juste réalisé la meilleure performance de ce festival. Il faut dire qu’avec le bagage de tube que représente leur dernier album Singles, le travail était à moitié fait.

Il est minuit passé de quelques minutes lorsque Stuart Murdoch et sa bande de copains sont grimpés sur scène. Dans un autre registre que Future Islands, les Écossais de Belle And Sebastian savent manier le spectacle. En faisant grimper quelques filles sur scène sélectionnées pour la qualité de leur costume (mais bien sûr Murdoch, «la qualité des costumes», bien sûr…) et en jouant les titres cultes de leur répertoire (Fox In The Snow, The Boy With The Arab Strap, Sukie In The Graveyard, etc.) le succès était acquis sans risque. Mais c’est vrai que c’était jouissif d’entendre ces morceaux cultes issus entre autres du non moins historique If You’re Feeling Sinister (1996). Les treize musiciens présents ont même pu jouer le tout récent et très dansant Party Line.

Qu’on aime ou pas ce grand manitou de la musique indépendante qu’est Pitchfork, il faut leur reconnaître un certain doigté dans la programmation de leur festival. Des pointures du style Belle And Sebastian ou Mogwai sont agréables à voir tant leurs passages en France sont rares. Et puis à côté des gros festivals qui sont restés bloqués sur Stromae ou Two Doors Cinema Club, le Pitchfork Music Festival est quand même une véritable bulle de respiration.

Les trucs étranges

  • Pitchfork, jamais à court d’idées de marchandisage, propose des tabliers frappés du logo du site à la vente.
  • Les cocktails vin rouge/coca (arrêtez ça tout de suite les gars).
  • Les balançoires mises à disposition et le Twister géant organisé sur l’une des terrasses de la Villette.
  • Tous les groupes anglo-saxons grimés pour l’Halloween. Samuel Herring en vampire ou Mo en squelette, ça vaut le détour.

Les trucs pénibles

  • Le prix du festival! 130 balles, les trois jours en plein Paris, comptez en plus l’hébergement et le trajet, le pauvre étudiant que je suis a très mal au ventre.
  • Ça va avec, mais sérieux, la bière à 7 euros c’est juste passible de peine de prison en France. Je ne sais pas quelle législation est mise en place durant le Pitchfork Music Festival, mais au bout de deux bières tu ne peux plus manger. Et ça creuse de bouger sur du Jon Hopkins.
  • La très courte durée des prestations… Mais bon, c’est normal dans un festival ou tout doit s’enchaîner à la vitesse de la lumière.

Les trucs trop cool

  • Jon Hopkins et sa gestuelle qui n’a rien à envier au style «pantin désarticulé» de Thom Yorke.
  • La diversité du public. Ça parle anglais et espagnol dans tous les sens. Même les bénévoles ont l’air de ne pas comprendre la langue de l’Hexagone. Ça participe à la magie de l’événement dans ce lieu un peu à part.
  • Le lieu justement. Dans la Grande Halle de la Villette dans le XIXe arrondissement de Paris. Une immense structure métallique construite au milieu du XIXe siècle.
  • Les déguisements d’Halloween du public. Il fait beau!
  • Le temps est magnifique et puis quand même, on est à Paris…