Chroniques

L’amour et la haine de La Carabine

Dès l’ouverture du vidéoclip, on aperçoit un ado sauter sur son skate. Sous un filtre «vieux VHS des années 80», on le voit exécuter quelques manoeuvres. C’est cette scène qui lance Love & Hate, le troisième extrait de Chasser ses démons, le convainquant premier album du duo rap montréalais La Carabine.

On n’a pas l’habitude sur le Canal de faire un papier pour le lancement d’un vidéoclip, mais ça faisait une secousse que j’avais envie de jaser avec les gars. En fait, ça remonte à l’été dernier lors d’une soirée à Québec dans laquelle le groupe partageait la scène avec Rednext Level. La discussion qui s’en était suivi avec Filion avait été plus qu’intéressante.

Retour sur une discussion sur l’art, le punk, l’amour et la haine avec Filion et Dominick.

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La Carabine, vous avez lancé le jour de la Saint-Valentin un vidéoclip pour la chanson Love & Hate. Cassandre Émanuel a réalisé le clip de brillante façon. Comment l’avez-vous choisie?

Dominick – Au moment où j’ai réalisé Billy The Kid [le précédent clip], Cassandre réalisait un vidéo pour Simon Kingsbury. On s’est retrouvé dans un top des plus beaux clips du mois et elle m’a écrit pour me dire qu’elle tripait sur les figurines miniatures. On a complimenté le travail de l’autre pour ensuite se dire qu’on devrait co-réaliser un clip ensemble un de ces jours. Par la suite, elle a réalisé la vidéo de Mauves pour la pièce Longtemps. Le résultat est simplement magnifique. J’en ai parlé avec Filion et on a pris la décision qu’elle devait réaliser Love & Hate. On lui a donné carte blanche. Et elle a, encore une fois, fait une merveille.

On reconnaît la facture vintage du vidéo de Cadenas en U [le premier extrait de l’album] qui avait aussi ce look VHS. Est-ce que c’était voulu?

Filion – La Carabine c’est pas juste un band. C’est un esthétisme. On est capable de tout faire à deux. Je suis designer graphique et j’ai étudié en marketing et Dom a également une formation en design, il fait du vidéo, de la photo, du montage, la musique, etc. On a souvent le même « thinking » et on fait juste créer ce qui se passe dans nos têtes. Pour nous, un branding c’est super important et on parle pas juste d’un logo, mais bien du concept général derrière le groupe. On est des pinces sans rire, le clip de Cadenas en U en est un bon exemple. On n’est pas cruel, on n’est pas méchants même si des fois on voudrait l’être, on fait juste pincer un peu, comme une carabine à plomb… TADAMMM, voilà le pourquoi de notre nom.

Sans trop me perdre, on voulait laisser quelqu’un entrer dans notre monde et laisser tout ça aller : carte blanche, let’s go have fun. Cassandre a un esprit créatif de fou, elle est elle-même esthétiquement parlant une personne funky. Elle catche notre vibe et le résultat est un pur WTF pour les puristes rap, mais pour nous c’est juste tellement différent et c’est ce qu’on voulait. On ne veut pas être Alaclair Ensemble ou Dead Obies. On est nous, notre entité and that’s wassup. Tu dois être différent et faire les choses différemment dans la vie. Cass is one of us now and forever.

Dominick – Flawfless! On travaille avec des gens qui comprennent notre approche artistique et en qui on a confiance. Et on s’est impliqué, on est des acteurs!

Filion – Des acteurs connus dans nos familles respectives lol.

J’ai bien aimé que l’histoire du clip tourne autour d’un p’tit gars qui fait du skate. Traditionnellement, le skate était davantage associé au punk, ce qui n’est pas si surprenant compte tenu de la dimension punk de La Carabine, c’est d’ailleurs encore plus frappant en show. Vous vous associez à ce courant qui va au-delà de la musique?

Filion – Le skate était ce qu’on était plus jeune. Perso j’ai grandi dans un monde punk hardcore / rap. Je ne savais pas ce que j’étais. Je faisais des graffs aussi. Un jour j’étais plus rap un autre jour plus punk. J’ai compris que ça venait de la même place avec le temps. Pour moi, l’époque où les Beastie Boys ouvraient pour Bad Brains au CBGB, c’est le début d’un mouvement qui a à faire avec qui je suis aujourd’hui. La suite des choses pour ces deux groupes mythiques le prouve. Les Beastie Boys ont blow up avec Run DMC, LL Cool J, etc. (on connaît l’histoire), et les autres sont devenus des pionniers qui ont influencé des groupes comme Cro-Mags, Agnostic Front et beaucoup plus tard Madball et ainsi de suite. Deux scènes si proches qui ont défoncé d’énormes barrières. New York est le début de tout ça.

Je pense que c’est dans l’attitude et c’est surtout « on stage » que La Carabine est punk : faut que ça bûche. Et je pense que ça le fait! Notre drummer Sean tape fort et ça nous crinque encore plus.

Dominick – J’ai grandi sur un skateboard. C’est une culture dans laquelle  il y a une attitude « I don’t give a fuck». J’ai toujours été à fond dans ce sport, sans retenue. Je fais la même chose dans ma musique et ça se reflète sur scène.

Les chansons de Chasser ses démons sont pour la plupart assez chargées émotionnellement et on sent qu’elles sont issues d’expériences que vous avez vécues. Quelle est l’histoire derrière Love & Hate?

Dominick – Dans la vie on est toujours tiraillé entre l’amour et la haine, des fois, on aime quelque chose à la folie après on l’aime moins, c’est un loop interminable. Prends par exemple la culture du hip-hop que j’aime profondément, mais que parfois je déteste : j’y reviens toujours et je retombe toujours en amour avec elle comme au premier jour. Ce tiraillement est un combat constant.

Filion – Là ou il y a l’amour, il y a la haine, c’est probablement la chanson que j’aimais le moins après l’enregistrement de l’album. Au final, c’est une chanson avec une très bonne balance de ce que La Carabine est et elle est rapidement devenue ma chanson préférée de Chasser ses démons.

C’est important au Québec de sortir des vidéos en 2018 pour faire circuler sa musique? Slam Disques base sa stratégie sur des vidéos, ça semble être un modèle qui marche pour eux. Est-ce que ça vaut le coût?

Filion – Jessy [Fuchs, fondateur de Slam Disque] fait du bon travail avec sa boîte et je partage sa vision. Mettre des images sur une chanson c’est lui donner une vie, une deuxième façon de l’aborder. C’est un accompagnement qui donne de la personnalité. Mais c’est chérant des vidéos et on n’avait pas de gros budgets. On s’est fait refuser trois demandes de subventions de vidéos sur trois par Fonds Remstar. On a dû faire avec les moyens du bord. Music Mansion, notre label, ont vraiment été bon avec nous en débloquant un bon budget pour un gros vidéo. On a pogné le bread pour se gearer, pour réaliser et shooter nos vidéos nous-mêmes, de là sont sortis Cadenas en U et Billy the Kid.

Pour Love & Hate on a eu beaucoup de bad lucks, la caméra a bogué et on a perdu beaucoup de scènes qu’on a dues reshooter et reshooter sur plusieurs jours. L’équipe a vraiment été patiente et les comédiens, vraiment généreux de leurs temps. Sans toute la bonté de ces gens-là, le clip n’aurait jamais vu la lumière du jour des internet. Un gros merci à tous ceux qui ont travaillé là-dessus, pour vrai, wow!

Justement, parlant de la circulation de votre musique, vous en êtes où dans le cycle de Chasser ses démons? Achevez-vous de trimballer ce disque et préparez-vous à sortir du nouveau matériel sous peu? À quoi doit-on s’attendre pour le LP2?

Filion – Yeah! On est sur le prochain depuis plusieurs semaines déjà. Dans nos têtes on est ailleurs et on a vraiment hâte de sortir du nouveau. Les thématiques sont vraiment cool et je pense que c’est un beau step up front de Chasser ses démons. On va entrer en studio bientôt pour enregistrer des trucs pour sortir un premier single probablement au printemps. Le nouvel album devrait sortir à l’automne 2018.

Dominick – J’ai un paquet de beats en banque qui attendent juste de sortir. On a eu le go du label pour préparer le nouvel album. Donc, on est là-dessus. On peut s’attendre à que ça sonne comme La Carabine, différent et authentique. Il va peut-être avoir des hi hats.

Filion – Y avoir des quoi? Hahaha !

Filion, j’ai vu sur Instagram que tu as fait un tour sur scène avec les buddys de Despised Icon ? C’est des amis à toi ?

Filion – Oui!  En fait Alex Erian, le chanteur [aussi d’Obey The Brave], est un frère pour moi. J’ai prêté ma voix sur plusieurs chansons des deux bands. Je fais des apparitions avec les deux groupes en live une fois de temps en temps et je trouve ça toujours cool d’être sur scène avec eux. Surtout dans les gros festivals où y’a genre 150 000 personnes en avant du stage. Adrénaline de fou. Je trouve ça cool de l’avoir sur notre album dans la chanson Cassette. Il est en tournée en Europe en ce moment même (encore et encore) hope he’s having fun out there. Miss you bad keep on given’er.

Qu’est-ce qui tourne dans vos oreilles ces temps-ci?

Filion – J’écoute pas mal de musique classique, je suis là-dedans pas mal ces temps-ci. Sinon, Cordoba de notre ami Hugo Mudie, joue pas mal en loop dans mon auto je te dirais. J’écoute beaucoup de groupes de Stone Throw Records dernièrement comme Lootpack, Charizma, Quakers, etc. Le dernier Oktoplut roule pas mal [NDLR : YEAH !], j’écoute l’album de Maude Audet qui est vraiment excellent et j’écoute Brown également, c’est vraiment un beau projet.

Dominick – Ces jours-ci, je retourne pas mal aux sources. J’écoute du Aesop Rock, Cannibal Ox du vieux DefJux. Amon Tobin et Invisibl Skratch Piklz aussi. J’aime pas mal la scène du rap suisse avec Makala et BroccoBrax. Et pour le rap français, c’est toujours Grems et Disiz La Peste.

Finalement les gars, la meilleure marque de cadenas en U ? Kryptonite ou Abus ?  

Dominick – Kryptonite.

Filion – Kryptonite for sure. Dans la toune je dis Kryptonic un moment donné, c’est un lapsus. Je sais pas où j’avais la tête Hahaha.

C’est un drôle de mot de la fin ça. Merci, les gars.

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