Chroniques

Chico Magnetic Band

Chico Magnetic Band

R-4531034-1374137739-2719Tout a commencé par le simple partage d’un clip YouTube de la chanson Pop Orbite du Chico Magnetic Band par un ami fana de Jimi Hendrix et de vieux stock décalé. Intriguée, j’ignorais à ce moment précis que j’étais à un clic d’une question obsessionnelle qui allait se loger de façon permanente dans une partie étrangement entêtée de mon esprit.

Le Chico Magnetic Band est un groupe qui met en vedette l’explosif Mahmoud Ayari, ou Chico, pour les intimes et pas mal tout le monde, un Français originaire de Tunisie et fervent admirateur de Jimi Hendrix (cheveux et style vestimentaire à l’appui). Pas étonnant donc qu’on retrouve une reprise de Cross Town Traffic de Hendrix sur l’album homonyme du Chico Magnetic Band qui paraît en 1971 sur l’étiquette française Disques Vogue.

Né des cendres de l’éphémère formation lyonnaise Chico And The Slow Death qui se consacrait en majeure partie à des reprises d’Hendrix et d’autres groupes de rock, le Chico Magnetic Band voit le jour en 1969 de l’alliance de Chico au chant et aux «performances connexes», de Patrick Garel à la batterie, d’Alain Mazet à la basse et de Bernard Monneri à la guitare. Comme on s’y attend, le groupe propose d’emblée un rock psychédélique assez lourd noyé de nappes de guitares témoignant de l’admiration que ses membres portent à Hendrix. Chico ne manquera pas de se faire remarquer par le public, par ses pairs, et par les services de police et d’incendie en raison de ses prestations endiablées pendant lesquelles il lui arrivera de jeter des poulets vivants dans la foule, de prendre un bain dans une bassine installée sur scène ou d’allumer un casque couvert de pétards enfumant les salles de spectacle qui le banniront tour à tour.

Sur l’album homonyme du Chico Magnetic Band, qui est en outre le seul long jeu que la formation fera paraître en 1971, on retrouve quelques pièces plus expérimentales qui mettent de l’avant les collages électroniques de Jean-Pierre Massiera, notamment les pièces Pop Pull Hair et Pop Orbite.

Et c’est précisément de là qu’émerge la question à cent piasses pour les Québécois et à cent balles pour les Français: qui donne la réplique, ou plutôt hurle la réplique au Français anxieux dans la chanson Pop Orbite? Si vous n’avez pas encore cliqué sur le lien du vidéo au bas de cet article pour satisfaire votre curiosité insatiable, je vous résume le subtil dialogue qu’on y entend:

– Français anxieux: «Aussi mais répondez, dites quelque chose, répondez quoi!»
– Québécois peu réceptif: «Mange d’la marde!»

Bon. On ne se lancera pas dans une tentative d’interprétation psychosociale de cet échange peu courtois entre soi-disant cousins, mais on peut tout de même se demander QUI est le Québécois de service retenu pour proférer cette fin de non-recevoir bien sentie. Et c’est cette question pour le moins triviale qui m’a lancée sur la piste de Chico, de Massiera et de leurs liens avec le Québec.

Parenthèse: si vous avez l’impression de reconnaître vaguement l’intro de la chanson Pop Orbite et plusieurs des sons étranges qu’on y entend, c’est qu’ils proviennent de la One Note Samba – Spanish Flea de l’album Kaleidoscopic Vibrations que les pionniers de l’électronique Perrey And Kinsgley ont fait paraître en 1967 (elle-même un «mashup-reprise» de Spanish Flea de Herb Alpert et de la Samba De Uma Nota So de João Gilberto); jusqu’ici rien de bien surprenant puisque Massiera s’adonnait fréquemment à ce genre d’emprunt pour réaliser ses collages sonores.

Mais pour revenir à notre question principale, précisons de prime abord que l’on n’écarte pas la possibilité que ce soit Chico, Massiera ou l’un des musiciens du Chico Magnetic Band qui imite l’accent québécois; si c’est le cas, c’est franchement réussi et on aimerait transmettre nos félicitations à qui de droit. Il y a aussi la possibilité qu’il s’agisse d’échantillonnage; Massiera aurait-il extrait ce «mange d’la marde» d’un enregistrement québécois préexistant? Si vous croyez reconnaître la voix qui lance l’invective ou que vous avez une idée d’où ça pourrait provenir, prière de communiquer avec nous dans les plus brefs délais, parce que oui, nous nageons toujours en plein mystère.

Il est en outre important de savoir que Jean-Pierre Massiera est venu au Québec enregistrer quelques simples avec nul autre que le sitedemo.caucteur et musicien Tony Roman, fondateur de l’étiquette Canusa qui endisquera Nanette, Les Baronets, Patrick Zabé, Les Hou-Lops… Et Les Maledictus Sound, en 1968, avec Massiera. Massiera et Roman auraient donc collaboré de 1968 à 1969, pour sortir quelques simples, dont Un peu beaucoup de Marie-Claude, Les directeurs artistiques de Christiane Breton, Adieu/Armes et Larmes de Richard (Pasero), et pour préparer la sortie de l’album homonyme des Maledictus Sound et de l’album Expérience 9 de ce même groupe.

Apparemment venu au Québec avec son propre équipement puisqu’il considérait que celui de Roman n’était pas approprié, Massiera serait retourné quelques mois plus tard en France quelque peu frustré de sa collaboration avec Roman. Aurait-il néanmoins profité de son passage en sol québécois pour enregistrer un authentique «mange d’la marde» in situ ou l’aurait-il fait dire à Chico lors de l’enregistrement de Chico Magnetic Band deux ans plus tard? Les paris sont ouverts et tout renseignement pouvant faire avancer d’un iota cette enquête nationale est évidemment le bienvenu.

L’oeuvre et la carrière de Massiera, musicien et sitedemo.caucteur niçois obscur de musique électronique inspirée de la science-fiction et des films d’horreur, pourraient sans aucun doute faire l’objet d’un ouvrage étoffé passionnant (avis aux musicologues en manque de défis), et à cet égard, il convient de souligner le travail admirable de l’étiquette Mucho Gusto Records qui réédite des pièces de Massiera depuis quelques années.

Et pour vous prouver que Massiera est partout, rappelons qu’il a aussi collaboré avec Claude Lemoine, sitedemo.caucteur des Rockets avec qui il cositedemo.cauira l’album italo-disco des Visitors paru en 1981 (le premier opus plus prog/expérimental des Visitors était initialement paru en 1974), dont la pièce titre vous sera familière si vous avez joué à Grand Theft Auto V… Claude Lemoine qui s’avère n’être nul autre que le père de Jordy. Comme quoi il est bon de garder à l’esprit qu’on est tous à six degrés de séparation de Jordy, peu importe les routes, avenues et détours que l’on emprunte. (À suivre…)

*Un grand merci à Sébastien Desrosiers de Mucho Gusto Records et Mondo P.Q. pour les précieux renseignements à propos de la collaboration Massiera/Roman.

http://muchogustorecords.com/blog/fr/a-propos/

http://www.mondopq.com/

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=M_yPcW29OqM&list=PLBBB272049F826099&index=8[/youtube]