Critiques

Ben Lukas Boysen

Spells

  • Erased Tapes
  • 2016
  • 45 minutes
7,5

Ben Lukas BoysenBen Lukas Boysen est Berlinois. En plus d’avoir composé neuf disques de musique électronique sous le nom d’artiste HECQ, il s’adonne à la composition pour le monde publicitaire, travaillant notamment avec Audi et Nike. En 2013, il fit paraître Gravity, le premier album sous son vrai nom. Voilà qu’il nous arrive en 2016 avec une œuvre instrumentale mature et sensible sur laquelle nous pouvons entendre quelques influences de Mogwai (Nocturne 4) et plusieurs ressemblances avec le répertoire de l’Islandais Ólafur Arnalds. La musique de Ben Lukas Boysen est incrustée dans la nordicité. Et cela lui va très bien.

Avec Spells, l’Allemand nous ouvre une fois de plus la porte de son univers sonore contemplatif. Le temps semble vouloir s’y arrêter comme par magie. C’est la trame sonore d’un moment à l’extérieur du brouhaha de la vie, d’un moment d’introspection. Pour en arriver à créer cet état second, Ben Lukas Boysen et son bon ami Nils Frahm, compositeur et sitedemo.caucteur basé à Berlin qui signe ici la réalisation, proposent des compositions dont la colonne vertébrale est le piano programmé et ses partitions éthérées et hypnotiques. «Mais pourquoi donc opter pour le piano programmé alors qu’un résultat encore plus concluant peut-être atteint avec un piano?», se demanderont certains d’entre vous. Voilà justement l’un des points d’intérêt principaux de ce Spells. Le Berlinois se joue de nos perceptions et semble y éprouver un malin plaisir.

À la première écoute – voire après une dizaine – il se peut fort bien que le commun des mélomanes apprécie les sonorités pianistiques tout en ne réalisant pas qu’il s’agit en fait du contenu d’un fichier de type Musical Instrument Digital Interface (MIDI). À vrai dire, il est fort possible que quelqu’un ne se rende jamais compte qu’il ne s’agit pas de piano tellement le travail de programmation est à la fois impressionnant et confondant.

Et c’est là que l’œuvre impose une réflexion: où meurt le musicien et naît le bidouilleur?

Malgré la place de plus en plus importante qu’occupe la technologie dans la sphère musicale, nous sommes en droit de remettre en doute le fait de préconiser le fichier MIDI au détriment du bon vieil instrument aux touches noires et blanches qui, avouons-le, de par sa chaleur et sa vibration inimitable, aurait encore mieux servi Spells. Cela dit, soyez rassurés, votre humble scribe ne s’exclame pas «vade retro satana» lorsqu’il entre en contact avec de l’électronique. Il ne dénigre pas du tout le talent des musiciens adeptes d’instruments synthétiques, mais sourcille plutôt devant le fait que Ben Lukas Boysen déploit autant d’efforts sur un fichier MIDI pour en arriver à un résultat qui s’apparente le plus possible au son du piano. Ne s’agit-il pas ici que d’un futile perfectionnement des masques?

Heureusement, le jeu d’illusions n’est pas le seul aspect intéressant de Spells. Les compositions sont aussi au rendez-vous. Accompagné de trois musiciens talentueux nommés Achim Farber (batterie), Anton Peisakhov (violoncelle) et Lara Somogyi (harpe), Ben Lukas Boysen signe des mélodies épurées et enveloppantes, sans compter les magnifiques arrangements de cordes et la batterie qui se fond dans l’ensemble, parfaitement à sa place. Le meilleur exemple est l’excellente pièce intitulée Golden Times I, la plus convaincante du lot.

Ma note: 7,5/10

Ben Lukas Boysen
Spells
Erased Tapes
45 minutes

http://benlukasboysen.com

https://soundcloud.com/erasedtapes/ben-lukas-boysen-golden-times-1